La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -139-Nanterre-Amandiers. Saison 2006-2007 L?empreinte théâtrale des passions

Entretien Jean Liermier : comment l’habit fait le moine

Le jeu masqué des désirs

« N’zassa », en dialecte africain, pagne de raboutage, fait de morceaux différents... C’est ainsi que Fargass Assendé a nommé sa compagnie, pour tisser ensemble les différences et les cultures. Le metteur en scène ivoirien présente aujourd’hui Quartett d’Heiner Müller avec des acteurs africains.

Publié le 10 juin 2006 - N° 139

Jean Liermier met en scène Le Médecin malgré lui en faisant surgir le
drame social derrière la farce et la critique des faux-semblants derrière
l’arlequinade.


Comment allez-vous traiter cette farce ?

Jean Liermier : Cette pièce est une farce noire. Molière l’écrit juste
après Le Misanthrope et Tartuffe, ce qui n?est pas un hasard. Si
on laisse respirer le texte sans forcer la théâtralité, on s’aperçoit très vite
que ce n?est pas un texte mineur et qu’il est beaucoup plus grave qu’on le
croit. En effet, que voit-on dès la première scène ? Un alcoolo qui tabasse sa
femme : ça ne fait pas obligatoirement rire ! Martine est une femme qui est
vraiment à bout, parvenue à ce point de non-retour où elle commande une rixe
pour faire tabasser son mari. Où est l’amour là-dedans ? C’est ce fonctionnement
qui m’intéresse : comment marche ce couple qui a atteint une telle violence ?

Vous voyez dans cette pièce une critique des faux-semblants.

J.L. : Molière établit dans cette pièce que l’habit fait le moine. Dès
qu’on met une blouse de médecin à Sganarelle, tout change et tous le
considèrent. Molière sait qu’il est malade depuis quelques années quand il écrit
cette pièce ; il va mourir peu de temps après. Il connaît donc la position
d’infériorité face au médecin et à son pouvoir. Le pouvoir de Sganarelle est
semblable à celui de Tartuffe. Sganarelle, issu de la famille des arlequins, a
quelque chose de foncièrement sympathique, mais en même temps, il est dangereux
et odieux. Tant qu’on ne le paie pas, il ne travaille pas. Ainsi dans la scène
où il offre une croûte de fromage en guise de médicament à un pauvre désespéré :
Molière est là d’une noirceur et d’une âpreté épouvantables. La farce est
justement dans cette dureté.

« Le pouvoir de Sganarelle est semblable à celui de Tartuffe. »

Cette pièce serait donc une tragédie malgré elle ?

J.L. : Il ne s’agit pas de noircir à outrance ! Je ne veux pas en faire
une tragédie. Mais là où l’humour noir peut ressortir, il faut le faire
ressortir. Ce n?est pas une tragédie mais c’est vraiment un drame social, une
comédie de m’urs. Sur les déboires du couple, la maladie, le rapport à la mort :
on rit parce que c’est horrible. Si on arrive à en démonter la mécanique, la
pièce est vraiment drôle. Mais pour cela, il ne faut pas jouer le résultat, il
faut jouer l’auteur. Sans perdre non plus la tendresse. Comme le disait Beno
Besson, si les personnages savaient qu’on rit d’eux, ils mourraient de honte de
cette blessure. Il faut donc parvenir à maintenir ensemble une très grande
gravité et une très grande légèreté.

Entretien réalisé par Catherine Robert

Le Médecin malgré lui, de Molière ; mise en scène de Jean Liermier. Du 9
mars au 8 avril 2007.

A propos de l'événement



Infos pratiques en encadré

Théâtre Nanterre-Amandiers

7, avenue Pablo-Picasso

92022 Nanterre cedex

Réservations au 01 46 14 70 00

www.nanterre-amandiers.com

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