La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -139-Nanterre-Amandiers. Saison 2006-2007 L?empreinte théâtrale des passions

Entretien Jean-Louis Martinelli : entre Rome et la Suède

Entretien
Jean-Louis Martinelli : entre Rome et la Suède - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 juin 2006 - N° 139

Jean-Louis Martinelli met en scène Bérénice de Racine et Clinique,
de Lars Norén. Une excursion dans la pathologie amoureuse du Grand Siècle et une
exploration de la maladie mentale moderne.

On dit de Bérénice qu’elle est la pièce où s’affrontent l’amour et le
politique.

Jean-Louis Martinelli : C’est davantage une pièce où l’amour devient un
sujet politique, où les amants se comportent comme des stratèges et traitent
l’amour comme un dossier. Chacun cherche à prendre le pouvoir sur l’autre et les
paroles sont de maîtrise et non d’épanchement. La mise en scène doit donc se
garder de tout dolorisme. Il est dit que Titus avait mené jusque là une vie
débauchée : rompre avec Bérénice est un gage de vertu aux yeux des Romains, la
preuve d’un changement. Dès le début, Titus sait qu’il va abandonner Bérénice
mais comme tous les hommes, il met du temps à affronter la réalité.

Pas de violence exacerbée dans cette pièce.

J.-L.M. : La violence est dans l’affrontement entre ces machines
désirantes. L’ébullition pulsionnelle se contient, se maîtrise, et c’est cette
tentative de maîtrise qui est violente. Ces amants sont passionnés, entiers,
étrangers au cynisme, leur relation n?est pas éthérée et est même assez
physique. Son sens surgit du jeu et la mise en scène doit rechercher ce corps
qui nous échappe continuellement, ce corps propre que dissimule le corps
fictionnel, ce corps qui modifie celui de l’autre. Titus et Bérénice sont tout
sauf des monstres froids. Pétris de stratégie, ils sont pourtant dépourvus de
calcul : l’instabilité règne, le retournement est constant et la parole est
pleine à chaque fois qu’elle est prise. L’intérêt est de suivre le chemin de
cette double séparation entre Titus, Bérénice et Antiochus et de voir comment
les amants, pour exister et survivre, ne peuvent être que séparés et
désillusionnés.

« La mise en scène doit rechercher ce corps qui nous échappe
continuellement. »

En mars, vous retrouvez Lars Norén, dont vous avez déjà monté Catégorie
3.1.

J.-L.M. : Clinique, dans sa forme, évoque Catégorie 3.1 :
une pièce chorale où un groupe, ici dans un hôpital psychiatrique, parle non pas
pour évoquer la maladie ou décrire l’hôpital, mais pour tisser des vies qui
disent le reste du monde. Ce pas de côté permet d’évoquer les « normopathes »,
à l’instar des marginaux de Sergelstorg dans Catégorie 3.1 parlant des
méfaits du monde. Dans Clinique, Norén, souvent de façon très drôle, nous
livre des bouts du monde et aborde des sujets divers à travers des personnages
qui semblent se construire dans la durée de la représentation.

Entretien réalisé par Catherine Robert

Bérénice, de Jean Racine ; mise en scène de Jean-Louis Martinelli. Du 13
septembre au 12 novembre 2006. Clinique, de Lars Norén ; mise en scène de
Jean-Louis Martinelli. Du 6 mars au 8 avril 2007.

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