La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -161-sceaux

Entretien Thomas Ostermeier

Entretien Thomas Ostermeier - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 octobre 2008

Hamlet : une révolte ratée contre les aînés

Thomas Ostermeier s’attaque à un monument, Hamlet, traduit en allemand par Marius von Mayenburg, créé cet été dans la cour d’honneur du Festival d’Avignon. Jouée entièrement sur la terre qui recueille les dépouilles des morts, la pièce écarte tout romantisme, dévoile une société frustrée, manipulatrice et corrompue, et une jeunesse incapable de se révolter. Des problématiques d’aujourd’hui…

Comment avez-vous abordé la mise en scène d’Hamlet ?
 
J’ai tout d’abord voulu éviter le côté romantique d’Hamlet. Je n’aime pas du tout les mises en scène de la pièce que j’ai vues ! Souvent le monde autour d’Hamlet est dépeint comme grotesque, et il est seul au monde à être bon et romantique. Or je trouve que dans le monde décrit par Shakespeare, tous les personnages sont ambivalents. Hamlet évite l’action ; sa pensée, même s’il réfléchit, demeure vaine : cet aspect négatif n’a rien de romantique. Hamlet fait partie du monde décadent qui l’entoure, même si, moraliste, il critique la société. Cela se voit dans son corps, c’est pourquoi il est affublé d’un faux ventre. Il ne faut pas être timide par rapport aux textes classiques, nous tentons de démasquer les personnages.
 
En quoi la pièce est-elle actuelle ?
 
Je ne suis pas un spécialiste des temps anciens, mais du monde actuel. La pièce parle de notre temps, et aussi de ces époques particulières de déclin et de barbarie juste avant la disparition d’un régime. Nous aussi posons un regard préoccupé sur les injustices et les guerres. Mais personne n’agit. Le personnage d’Hamlet a cette réflexion : que faire pour lutter contre les injustices ? Et son inaction le rend fou. Frustré, résigné, il emprunte le masque de la folie pour faire éclater la vérité, mais finalement devient réellement fou. Il ne réagit pas de façon intelligente. Toute sa colère est mal dirigée, surtout contre les femmes. C’est Claudius qui assassine son père, mais les deux personnes attaquées sont Gertrude et Ophélie. C’est une catastrophe intellectuelle et humaine de punir Ophélie pour la traîtrise de sa mère !
 
« Hamlet ne réagit pas de façon intelligente. Toute sa colère est mal dirigée, surtout contre les femmes. »
 
La figure du père mort est omniprésente. Qu’est-ce qui caractérise les aînés ?
 
La pièce commence avec l’enterrement du père d’Hamlet, laborieux et quasi burlesque, un ami russe m’a dit avoir vu la même scène lors de l’enterrement de Brejnev, diffusé à la télévision, les cordes posaient problème et les officiels n’osaient pas réagir ! Toute la pièce a lieu au-dessus des personnages morts, avec au milieu de la scène la tombe du père. La frustration et l’hypocrisie des parents déconstruisent et détruisent la vie des enfants, c’est l’un des grands thèmes de la pièce. Les parents détruisent la foi en la vie et l’amour. Les enfants n’arrivent pas à se rebeller, à mettre à mal le régime, par contre ils s’entretuent, lors du duel tragique entre Hamlet et Laerte. Et Ophélie, manipulée par une société brutale, est poussée vers la mort.
 
Pourquoi utiliser une caméra ?
 
A partir de la mort de son père, Hamlet pose un regard différent sur le monde, la caméra devient pour lui un médium dans l’observation du réel, qui peut devenir obsession pathologique comme lors d’une démarche artistique qui s’égare. La caméra symbolise aussi une certaine distanciation d’Hamlet vis-à-vis de lui-même et du monde. Comment savoir où est l’illusion, la réalité : c’est aussi un thème de la pièce, et un enjeu permanent au théâtre.
 
Entretien réalisé par Agnès Santi


Hamlet de William Shakespeare, traduction Marius von Mayenburg, mise en scène Thomas Ostermeier, du 28 janvier au 8 février. Spectacle en allemand surtitré.

A propos de l'événement



x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre