Entretien Sylvain Maurice
Faire bouger les choses en [...]
Focus -225-Théâtre de Sartrouville et des Yvelines
Söderberg, écrivain suédois, une génération après Ibsen, est méconnu en France. Le metteur en scène Jean-Pierre Baro s’empare de Gertrud comme d’un texte majeur sur l’amour.
Comment avez-vous découvert cet auteur relativement peu connu en France ?
Jean-Pierre Baro : Gertrud a donné naissance à un célèbre de film de Dreyer. Aussitôt après l’avoir vu, j’ai acheté le texte et je l’ai trouvé sublime. Je suis très étonné que cette pièce n’ait pas été davantage montée en France. Elle l’a été par Bruno Boëglin en 87 et pour Ludmila Mikaël qui voulait jouer le rôle-titre en 96. Je ne sais pas si notre pièce sera réussie, mais je suis sûr qu’après l’avoir vue, beaucoup voudront monter ce texte.
Pourquoi ?
J.-P. B. : J’ai rarement vu un texte qui parle d’amour de cette manière. Gertrud est une femme en quête d’amour absolu, qui ne supporte pas qu’on ne satisfasse pas son désir immédiat. Quand il a écrit cette pièce, Söderberg venait de se faire quitter. Il interroge donc l’amour sous toutes ses facettes, et se projette lui-même dans les trois personnages qui croisent Gertrud : un artiste, un homme d’affaire poète et un politicien. Qu’est-ce que l’amour absolu ? Mérite-t-il d’être vécu ? Comment le concilier avec son ambition personnelle ? Finalement ce texte cherche ce à quoi il faut renoncer dans la vie pour ne pas passer à côté de la vie.
Ce texte s’inscrit-il dans la lignée du réalisme ibsénien ?
J.-P. B. : La pièce commence comme un drame à la Ibsen mais au fur et à mesure, s’oriente plus vers du Maeterlinck ou du Claudel. Et puis le personnage de Gertrud est plus bergmanien qu’une éventuelle nouvelle Mademoiselle Julie. Ce n’est pas une enfant. En fait, dans ce texte, chaque acte est comme une nouvelle pièce. Gertrud vient elle-même exploser le cadre du théâtre bourgeois. Et à la fin, il n’y a plus que le poème avec les phrases du romancier. On va vers une épure, vers le symbole. Ce ne sont plus des personnages incarnés mais une réflexion sur l’amour.
Cela pose-t-il des difficultés dans le passage à la scène ?
J.-P. B. : En fait, il y a quelque chose de l’ordre du théâtre de Lagarce dans ce texte, dans le sens où on oscille entre un théâtre d’êtres et un théâtre de récit. Les personnages racontent ce qu’ils traversent, et il faut trouver l’équilibre entre l’adresse au public et celle aux personnages ; et au sein de ces adresses, trouver le conflit entre les corps et la chair des mots. Parce que dans cette pièce, on s’assoit dans un salon et on parle un peu comme chez Tchekhov.
Pour vous, qui travaillez beaucoup à partir du cinéma, le film de Dreyer jouera-t-il un rôle ?
J.-P. B. : Pour le coup, je m’inspirerai plus du travail physique des acteurs des films d’Antonioni. Et mon but premier étant de faire découvrir ce texte du mieux possible, je ne m’autoriserai qu’une petite insertion d’un extrait de Persona de Bergman.
Propos recueillis par Eric Demey
Théâtre de Sartrouville et des Yvelines, Centre Dramatique National.
Tél. : 01 30 86 77 79. Site : www.theatre-sartrouville.com
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