La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

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Entretien Gérard Mordillat

Entretien Gérard Mordillat - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 septembre 2008

La face politique de la littérature

En écrivant Les Vivants et les Morts, Gérard Mordillat a signé un roman résolument politique, un roman qui s’attache à redonner une histoire et une vie à des individus victimes de l’oppression capitaliste.

Quel a été, pour vous, le point de départ de cette fresque sociale ?
Gérard Mordillat : Chaque jour, nous sommes témoins d’une guerre qui ne dit pas son nom, une guerre dont on égrène le nombre de victimes de façon comptable et entièrement déshumanisée : 400 licenciements ici, 300 licenciements là. A travers Les Vivants et les Morts, j’ai voulu rappeler que ces destructions d’emplois correspondent bien à des destructions de vies. Ainsi, porter un éclairage sur la brutalité de notre système économique est une manière de rendre leur histoire – et finalement leur vie – à des personnes à qui on a non seulement supprimé un travail, mais aussi une mémoire, un champ social et relationnel. Il faut bien prendre conscience que, symboliquement, un licenciement n’est rien d’autre qu’une mort.
 
Pour vous, la littérature peut donc encore, aujourd’hui, représenter un espace de combat politique…
G. M. : Oui, et je dirais même que le roman m’apparaît comme l’un des derniers espaces à l’intérieur desquels peut s’exercer une réelle liberté d’expression. Contrairement au cinéma, à la télévision et même, dans une certaine mesure, à la presse écrite, très peu de contraintes financières ou idéologiques pèsent sur la littérature. Pourtant, les romans politiques sont très loin de représenter l’essentiel de la production romanesque française, ils sont même assez rares.
 
« Le rôle de l’écrivain est d’ôter le tain de nos miroirs pour donner à voir le réel qui nous fait face. »
 
Je pense que le rôlede l’écrivain est de se tourner vers l’extérieur plutôt que de se regarder soi-même, d’ôter le tain de nos miroirs pour donner à voir le réel qui nous fait face, pour mettre en lumière ce que nos sociétés cherchent à laisser dans l’ombre. Et le succès de mon livre – qui s’est vendu à plus de 160 000 exemplaires – est la preuve que ce genre de messages peut parvenir à un large public. Car, contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire, les gens sont loin d’être stupides : ils sont capables de voir ce qui va leur permettre d’agir sur leur vie, de la penser. Mais pour cela, il faut bien sûr qu’ils aient le sentiment que l’on parle d’eux, et pas seulement sur le mode de la compassion ou de la charité.
 
Comment pourriez-vous caractériser votre écriture ?
G. M. : On associe souvent mon travail à celui d’Emile Zola. Bien sûr, cette comparaison est extrêmement flatteuse, mais elle me semble inexacte. Car le talent de Zola résidait dans une analyse psychologique très fine des personnages à travers un regard extérieur à l’action. Or, dans mes romans, tout passe par l’action. La psychologie est perçue par le biais de ce qui se vit et ce qui se dit, en dehors de la pensée d’un auteur omniscient qui délivrerait ses analyses. Ce qui m’intéresse, c’est de traverser les destins individuels des personnages, d’investir leur chair, leurs réflexions, leurs sentiments, de transcrire le tremblement et la chaleur de leur vie.
 
Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat


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