La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -205-Trois Théâtres à Aix et Marseille

Entretien Dominique Bluzet

Entretien Dominique Bluzet - Critique sortie Théâtre Aix-en-Provence
© Caroline Doutre

Publié le 21 décembre 2012 - N° 205

Militantisme artistique et citoyen

Dominique Bluzet a rêvé cette année Capitale et a travaillé pour la mettre en oeuvre. Un engagement de longue haleine, pleinement inscrit dans la vie de la cité. 

« Le théâtre doit être porté par un discours qui n’est pas seulement artistique, mais aussi politique. »

Comment avez-vous envisagé ce rendez-vous 2013 de Marseille Capitale européenne de la Culture ?                                                                                                             

Dominique Bluzet : Face à un rendez-vous de cette importance, il faut monter dans le train et ne pas le laisser passer ! J’ai voulu inscrire cette aventure dans une perspective artistique mais aussi sociétale et politique, afin que les théâtres dont nous disposons, financés par l’argent public, jouent un rôle lisible et visible pour la communauté de citoyens qui nous entoure, pour notre territoire. Les outils culturels doivent avoir du sens pour les habitants, et faciliter le vivre ensemble. Nous mettons en oeuvre une aventure hors normes, dans une position de charnière, de point d’ancrage pour la population. Pendant toute l’année 2013, nous allons élaborer et organiser une relation privilégiée entre les artistes et les publics. Cette année exceptionnelle permet de construire une stratégie de réussite, de reconquérir son destin. L’enjeu est de se réhabiliter dans son propre regard, en utilisant pleinement l’outil culturel. C’est pourquoi la programmation se décline de janvier à décembre 2013, avec au fil de l’année quatorze commandes à des artistes majeurs, qui ensuite partiront en tournée.

Quelles sont les thématiques engendrées par ce statut de Capitale européenne de la culture ?

D. B. : Trois thématiques génèrent des créations en théâtre, danse et musique. Le premier thème, cher à mon coeur, éclaire Albert Camus. Un concert rassemble Retour à Tipasa, d’après L’Eté, d’Henri Tomasi et La Peste, cantate de Roberto Gerhard. Le danseur et chorégraphe Emio Greco crée un solo d’après L’Etranger, et le rappeur Abd Al Malik invente une oeuvre atypique qui raconte en parallèle son parcours et celui de Camus. Nous programmons aussi Caligula mis en scène par Stéphane Olivié Bisson. Le second thème s’inspire des Mille et une Nuits à travers les créations d’Angelin Preljocaj, de Charles Tordjman et Matej Forman qui revisitent Aladin, de Louise Moaty qui propose un bijou baroque. Enfin, le thème vaste et sensible de la Méditerranée, emblématique de notre démarche et de notre région, se décline sous le signe de l’ouverture et de l’échange. Nous coproduisons avec la Comédie-Française le premier texte de langue arabe à entrer au repertoire, Rituel pour une Métamorphose de Saadallah Wannous, mis en scène par Sulayman Al-Bassam. Toni Servillo crée une pièce de Edouardo de Filippo, Le Voci di dentro. Abou Lagraa crée El Djoudour (Les Racines). Aurélien Bory imagine Azimut avec le groupe acrobatique de Tanger. Le festival de création contemporaine Présences se délocalise à Aix et explore aussi cette thématique méditérranéenne. En août, nous accueillons l’Orchestre Français des Jeunes et les formations similaires issues d’Espagne ou d’Italie, et nous finançons et soutenons l’Orchestre Irakien des Jeunes. Par ailleurs,  nous initions à Pâques un nouveau festival de musique classique, entièrement financé par le CIC qui s’est engagé pour cinq ans, proposant une vingtaine de concerts de très haut niveau.

Comment concevez-vous la gestion de vos trois théâtres ?

D. B. : Dans ce territoire bigarré, entre Marseille et Aix que je perçois comme complémentaires et non antagonistes, nous nous employons à tisser des liens, au service d’un projet de vie commune. Nous comptons 20000 abonnés, et le public circule d’un lieu à l’autre. Il ne s’agit pas de cumul, il s’agit de créer des synergies, en réfléchissant par rapport à des territoires et non par rapport à des institutions. Alors que la société et le monde culturel ont été confrontés à des mutations  radicales, nous  engageons une réflexion sur la mutualisation, pour dégager des marges de manoeuvre pour l’artistique, pour que le champ culturel aille au devant des nouvelles générations. Pour cette année 2013, le monde politique et les collectivités locales ainsi que le monde économique ont répondu présents. Et l’ambition artistique est à la hauteur ! Nous travaillons depuis quatre ans. J’ai développé le mécénat, et en tant que vice-président de la Chambre de commerce, je me suis employé à sensibiliser les commerçants et chefs d’entreprise. Le théâtre appartient à ceux qui s’en emparent, et 2013 nous fournit aussi l’occasion de mettre en valeur la pratique amateur. En musique, avec choeur et orchestre amateurs, et aussi en théâtre, avec Jean-Pierre Vincent qui monte Les Suppliantes d’Eschyle.

Comment vous adressez-vous au public ?

D. B. : Nous avons mutualisé tous nos services de billetterie, avec un seul numéro : 08 2013 2013 ! Une plateforme de réservation avec quatorze personnes travaillant aussi sur les réseaux sociaux a été mise en place. Nous avons cassé les codes de l’abonnement, les spectateurs choisissent ce qu’ils veulent. C’est un défi ! Nous travaillons sur toutes les strates de public, y compris le public empêché, et y compris ceux qui pensent que le théâtre n’est pas pour eux. Au théâtre du Gymnase, nous avons décidé  de renouer avec le côté music-hall et ludique pour élargir les publics.  Notre politique artistique doit permettre à chacun de trouver à un moment ou à un autre une raison de venir au théâtre. Le théâtre doit être porté par un discours qui n’est pas seulement artistique, mais aussi politique. 2013 constitue un événement populaire et un moment d’exception, qui permet de se réapproprier le territoire et de réenchanter nos projets.

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement

du mardi 1 janvier 2013 au mardi 31 décembre 2013


Théâtre du Jeu de Paume, 21 rue de l’Opéra, 13 100 Aix-en-Provence. Théâtre du gymnase, 4 rue du Théâtre français, 13001 Marseille. Grand Théâtre de Provence, 380, avenue Max-Juvénal, 13100 Aix-en-Provence. Tél : 08 2013 2013. www.lestheatres.net.
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