La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -148-Talens

Entretien Christophe Rousset, directeur musical des Talens Lyriques

Entretien Christophe Rousset, directeur musical des Talens Lyriques - Critique sortie Jazz / Musiques

Publié le 10 avril 2007

« Il me paraissait nécessaire de renouveler des interprétations souvent trop
sages »

Qu?est-ce qui vous a motivé à créer, en 1991, les Talens Lyriques ?

Christophe Rousset : C’est William Christie qui m’a poussé vers la
direction d’orchestre. J’étais alors claveciniste aux Arts Florissants et je me
suis retrouvé à diriger cette formation dans différents spectacles. Mais
rapidement, j’ai pris conscience que si je voulais choisir moi-même le
répertoire et les artistes, il me fallait monter mon propre ensemble.

Quelle a alors été la spécificité des Talens Lyriques ?

C.R. : Venant des Arts Florissants, je devais évidemment programmer des
?uvres différentes de celles montées par William Christie. C’est-à-dire, éviter
la musique française! Je me suis ainsi positionné sur les opéras de Haendel,
qui, à l’époque, restaient encore un champ à explorer. Et très vite, je me suis
également passionné pour l’opéra napolitain. L’ensemble a rapidement été suivi
par des festivals, comme celui de Beaune, et par des labels discographiques,
notamment Fnac Music.

Les productions de votre ensemble sont tournées vers le monde de l’opéra.
D’où vous vient cet attrait pour la voix ?

C.R. : J’ai passé mon enfance à Aix-en-Provence où j’ai été émerveillé
par des voix hors du commun, comme celle de Teresa Berganza. J’étais aussi très
séduit par Marilyn Horne et ses ornementations dans Haendel. Depuis lors, j’ai
toujours cherché à développer le lyrisme dans le baroque, à rendre les vocalises
exubérantes. Il me paraissait nécessaire de renouveler des interprétations
souvent trop sages.

Quel est aujourd’hui votre répertoire de prédilection ?

C.R. : On a trop tendance à vouloir étiqueter les artistes. De mon côté,
j’ai envie d’y échapper. J’ai ainsi dirigé récemment l’Oratorio de Noël
de Bach. Et je compte poursuivre dans Rameau et dans Mozart, même si, pour ce
dernier, j’ai l’impression qu’on ne m’autorise pas toujours à le diriger.

Le Romantisme vous tente-t-il également ?

C.R. : Dans quelques mois, je dirigerai un opéra de Manuel Garcia et ce
sera la première fois que je passerai la frontière du XIXème siècle. Mais
je ne suis pas un interprète romantique. Cette période a un effet néfaste pour
moi, elle me bouleverse trop.

Vous avez dirigé un grand nombre d’?uvres tombées dans l’oubli. Est-ce ainsi
que vous concevez le rôle de chef d’orchestre?

C.R. : Aller dans les bibliothèques et découvrir des ?uvres jamais
données s’avère terriblement excitant. Le résultat sonore est toujours supérieur
à ce qu’on aurait pu imaginer. Malheureusement, dans le milieu baroque, la
recherche musicologique se perd de plus en plus. Il est pourtant faux de penser
qu’on a découvert tout le répertoire.

Comment conciliez-vous vos activités de chef d’orchestre et de claveciniste ?

C.R. : C’est équilibrant de jouer sur les deux registres. En restant
instrumentiste, le chef d’orchestre ne se prend pas pour un « demi-dieu ». Avec
son côté artisanal, l’instrument rend humble. Néanmoins, concilier les deux
activités se révèle souvent difficile pour des questions de temps. D’autant plus
que je porte aussi les casquettes d’enseignant, d’éditeur et de chercheur.

Vous collaborez avec les metteurs en scène Pierre Audi, Ludovic Lagarde ou
Lukas Hemleb. N?y a-t-il pas un paradoxe à monter des opéras sur instruments
anciens dans des mises en scène modernistes ?

C.R. : Il est plus important de saisir l’esprit que de respecter la
lettre. De toute façon, on ne peut pas reconstituer ce qui se faisait à
l’époque, car les documents sur le sujet sont très rares. Au mieux, on pourrait
plagier. Mais je préfère rester dans la création.

Dirigez-vous d’autres orchestres ?

C.R. : On est toujours plus à l’aise avec son propre orchestre, car on
sait quel langage utiliser. Quand je dirige d’autres orchestres, c’est souvent
frustrant. J’ai l’impression de ne pas aller jusqu’au bout de la partition. En
outre, ce n?est pas la notoriété que je recherche, mais les expériences
artistiques. J’ai ainsi pris plaisir à diriger des orchestres de jeunes, comme
l’Orchestre Français des Jeunes Baroque ou celui de l’Académie d’Ambronay.

Propos recueillis par Antoine Pecqueur

 

A propos de l'événement



x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Jazz

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Jazz / les Musiques