La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -139-Focus / Les Etés de la Danse Le Alvin Ailey American Dance Theater à Paris

Entretien avec Judith Jamison, directrice artistique Une histoire en mouvement

Entretien avec Judith Jamison, directrice artistique
Une histoire en mouvement - Critique sortie Danse

Publié le 10 juin 2006 - N° 139

Danseuse et chorégraphe, celle qui fut la muse d’Alvin Ailey a repris le
flambeau après la disparition prématurée du mentor en 1989.

Comment concevez-vous votre rôle à la tête de l’AAADT ?

J’?uvre dans la continuité de la vision d’Alvin Ailey, en perpétuant le
répertoire et en traçant la route pour demain. Les créations de la compagnie ont
toujours été l’expression de la culture afro-américaine alliée à la tradition de
la danse moderne de ce pays, très ouverte à toutes les influences extérieures.
Notre répertoire, qui compte quelque 250 pièces, reflète cette diversité. Cette
éthique ne vise en fait qu’à toucher l’humanité en chacun de nous. Alvin Ailey
concevait la danse comme un moyen de former les gens, de les aider à voir la
vérité en eux et de contribuer à l’élévation spirituelle. Donner du plaisir,
faire vivre des émotions intenses, renvoyer l’écho des joies et des détresses de
la vie : voilà pourquoi nous dansons !

Vous avez été son égérie et avez beaucoup travaillé avec lui. Quelle était sa
personnalité ?

Personne très généreuse, il croyait en l’humanité de la danse. Il aimait
vraiment les gens. Il souhaitait que ses spectacles s’adressent à tout le monde,
sans condescendance, que quiconque puisse reconnaître ses peines et ses espoirs dans ce qui se joue sur scène. « Je crois que la
danse est venue du peuple et qu’elle doit lui être restituée
 » répétait-il.
En tant que chorégraphe, il demandait aux danseurs de maîtriser parfaitement la
technique, mais surtout de célébrer la vie, de se dévoiler
pleinement, de s’exprimer avec leur âme, depuis l’intérieur d’eux-mêmes.
Le plateau constituait un espace spirituel où chacun devait donner le meilleur
de lui-même sans jamais oublier le but ultime de son geste : communiquer avec
les spectateurs. En tant que directeur de troupe, Alvin Ailey avait la volonté
de construire un large répertoire en invitant d’autres chorégraphes et de
promouvoir les tournées, afin de permettre aux artistes afro-américains de
conquérir un espace de représentation qui leur était à cette époque peu ouvert.

Comment s’opère la transmission aux jeunes générations ?

Nous utilisons bien sûr des photos, des documents et
des vidéos, très utiles pour apprendre la technique. Mais le principal vecteur
reste la transmission de personne à personne, plus fidèle à l’état d’esprit et
aux chorégraphies, même si les captations ont généralement été réalisées pendant
des représentations publiques et permettent ainsi de saisir l’énergie si
singulière que dégage la troupe sur scène. Les interprètes s’approprient assez
aisément le répertoire car ils viennent en majorité du Alvin Ailey II, notre
compagnie junior, qui les a déjà formés. Notre histoire est toujours en
mouvement, entre passé, présent et futur : nous jouons aujourd’hui certains
ballets datant des décennies passées, d’autres créés actuellement et je prépare
déjà les créations des prochaines saisons. Sans cesse nous intégrons de
nouvelles esthétiques, que nous métissons avec ce qui constitue notre héritage.
Les jeunes vont continuer là où j’ai arrêté et inventer le futur. Maintenant,
c’est leur heure sur la scène? Moi, j’adore être parmi les spectateurs !

A propos de l'événement



 

Les étés de la danse à Paris, du 3 au 23 juillet, Spectacles à 21h45, dans les Jardins des archives nationales, 60 rue des Francs-Bourgeois, 75 003 Paris. Rens. www.lesetesdeladanse.com. Rés. 01 42 68 22 14 et 0892 687 100.

Entretien et page réalisés par Gwenola David

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