La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -139-Focus / Les Etés de la Danse Le Alvin Ailey American Dance Theater à Paris

Itinéraire d’un pionnier

Itinéraire d’un pionnier - Critique sortie Danse

Publié le 10 juin 2006 - N° 139

Personnalité charismatique et engagée, Alvin Ailey (1931-1989) a ouvert la
voie à l’expression de la culture noire américaine sur la scène chorégraphique.

En 1960, dans le contexte racial très tendu aux Etats-Unis, Revelations
résonne comme un chant âpre et sensuel où s’expriment toute la douleur, la
révolte et les joies mêlées du peuple afro-américain. Avec ce chef-d’?uvre
devenu mythique, Alvin Ailey, danseur félin de 29 ans, forçait les portes du
panthéon très blanc de la scène chorégraphique américaine et affirmait la force
d’un geste qui conjugue la modern dance et l’héritage de la culture noire dans
un mouvement où l’énergie étincelante, la théâtralité et la ferveur spirituelle
jaillissent avec une rare élégance.

Né en 1931 dans une petite ville du Texas, ce fils unique d’ouvriers
agricoles, élevé par sa mère, garda de son enfance le souvenir fasciné des
rituels de l’Eglise baptiste, l’amour du blues, des negro-spirituals, et sans
doute aussi une proximité aux gens ordinaires. Il a douze ans quand il découvre
le ballet classique, à Los Angeles où la famille vient de s’installer, lors
d’une représentation des Ballets russes de Monte Carlo. En 1945, il suit avec
éblouissement le travail de Katherine Dunham, défricheuse d’une danse nourrie de
rites afro-caribéens. Quatre ans plus tard, alors qu’il étudie les langues
romanes à l’université, il rejoint Lester Horton, chorégraphe et pédagogue hors
pair, qui lui enseigne sa technique, basée sur le torse et les gestes amples des
bras, ainsi que son goût pour le métissage des traditions et du modern jazz. Il
intègre alors le Dance Theater, dont il assume brièvement la direction, à la
mort de Horton en 1953. Il y crée ses premières pièces, qui allient déjà
athlétisme du mouvement, présence émotionnelle et puissance visuelle. Il part
ensuite pour New-York, où il se produit dans des comédies musicales à Broadway,
tout en peaufinant sa formation, notamment auprès de Doris Humphrey et de Martha
Graham. En 1958, il réunit des danseurs noirs et fonde sa propre compagnie : le
Alvin Ailey American Dance Theater était né, qui allait devenir l’une des
troupes les plus célèbres au monde.

Personnalité charismatique et engagée, douée d’un sens inné de la scène,
Alvin Ailey a su créer un syncrétisme original en mélangeant les styles et les
techniques, en bousculant les paradigmes esthétiques. S’il a ouvert la voie à
l’expression de la mémoire du sang noir, il ne s’est jamais enfermé dans l’étau
du nationalisme, invitant d’ailleurs de nombreux chorégraphes à enrichir le
répertoire de sa compagnie multicolore. « On parle trop d’art noir alors que
nous devrions parler d’art, seulement d’art
 » disait-il.

Gw. D.

A propos de l'événement



 

Les étés de la danse à Paris, du 3 au 23 juillet, Spectacles à 21h45, dans les Jardins des archives nationales, 60 rue des Francs-Bourgeois, 75 003 Paris. Rens. www.lesetesdeladanse.com. Rés. 01 42 68 22 14 et 0892 687 100.

Entretien et page réalisés par Gwenola David

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