Shifters
Le nouveau groupe électrique de Pierre de [...]
Le pianiste et leader Pierre de Bethmann évoque son travail en trio qui vient d’aboutir à un nouvel opus sobrement intitulé « Essais / volume 2 », sorti sur son propre label : Aléa.
De quoi est née votre envie de renouer avec le format du trio ?
Pierre de Bethmann : Je partirais des personnalités de Sylvain Romano et Tony Rabeson, que j’admire beaucoup, pour des raisons liées à leur conception du son, d’abord, très acoustique. Ensuite, il y a leur culture profonde de la tradition du swing et d’une certaine conception du jazz à laquelle je suis attaché. Troisième élément, je leur trouve une immense ouverture d’esprit. Nous avons remarqué qu’il y avait la grande tradition des standards du jazz mais aussi d’autres choses auxquelles on pouvait essayer de se « frotter », comme la chanson française ou le répertoire classique. On marche sur des œufs, car c’est très compliqué de se les approprier… mais je m’y attelle avec le même état d’esprit, au fond, que l’on pouvait avoir lorsque la musique de l’industrie musicale américaine des années 1920 et 30, qui n’est pas si éloignée du classique, a été transformée en standards par le jazz.
« Le trio, une affaire de tous les instants qui offre un champ de liberté large. »
Justement, quelle est votre conception des « standards » ?
P. de B. : Je dirais qu’il s’agit de choses qui d’une façon ou d’une autre ont perduré un peu plus que d’autres, ont imprégné certaines mémoires collectives, même si cela ne concerne pas une immense quantité de personnes. J’essaie de trouver un équilibre parmi ces morceaux qui sont restés et qui ne sont pas forcément trop joués en trio, pour lesquels je n’ai pas l’impression d’être inondé par une inflation de références étouffante. Ce qui me motive, c’est de trouver un certain angle de traitement à chaque fois : une originalité harmonique, un élément rythmique un peu fort… Car, au fond, ce sont des prétextes à jouer.
Le trio serait-il l’espace d’une liberté et d’un jeu alternatif à tout ce que vous mettez en œuvre, en tant que compositeur et chef d’orchestre, dans le Medium Ensemble ?
P. de B. : Oui. Je reste très impressionné par le trio, une affaire de tous les instants qui offre un champ de liberté large. On est en permanence sur le grill, plus exposé à l’écoute des uns et des autres. On prend le temps, on arrive à développer les solos comme on le souhaite. Je me réserve aussi la possibilité de faire de longues introductions ou transitions, afin d’essayer de concevoir la notion d’improvisation plus fondamentalement encore que la simple notion de « variation ». Pour un musicien classique, en effet, notre exercice sur les standards s’apparente à celui de la variation, parce qu’on garde un canevas. Même si je me sens extrêmement libre dans ce cadre, c’est intéressant de s’aventurer dans d’autres sphères, où l’on construit en temps réel le parcours harmonique en plus du propos mélodique, par exemple. Je trouve cela passionnant, et le trio m’offre cette liberté.
Propos recueillis par Vincent Bessières
à 21h30. Tél. 40 26 46 60. Places : 25 €