La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -164-sartrouville

Dorothée Zumstein, auteur

Dorothée Zumstein, auteur - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 janvier 2009

Un loser magnifique retrouve ses pouvoirs

En vers rimés, dans une langue alerte et ludique, Dorothée Zumstein orchestre la rencontre des magiciens entre fantaisie débridée et gravité dissimulée.

Quels sont les thèmes qui traversent l’histoire de ce duo entre Harry et Sam ?
 
Il s’agit de la rencontre de deux hommes, deux magiciens, un jeune au faîte de sa gloire, Sam, et un autre plus âgé, Harry, qui se trouve dans la déchéance, à partir du moment où un caillou s’est glissé dans sa chaussure et le fait chuter sans cesse. A la fin de la pièce, Harry part en beauté par un « auto-escamotage », le mot mourir n’est pas prononcé, certains enfants comprennent cependant le non-dit et prononcent eux-mêmes le mot mort, d’autres pensent que Harry est effectivement parti dans un pays merveilleux. Aux alentours de quatre ans les grandes interrogations commencent, les enfants prennent conscience de choses inacceptables : la mort, la vieillesse, le fait qu’on va perdre ses parents. La pièce aborde ces thèmes en une espèce de farce.
 
« Celui qui va enseigner à l’autre est celui qui est dans la déchéance. »
 
Quelles sont les références, cinématographiques ou autres, qui caractérisent le duo ?
 
Buster Keaton, ou Chaplin, le duo fait l’éloge de la chute, dépeint un loser magnifique. Celui qui va enseigner à l’autre est celui qui est dans la déchéance. Cette déchéance se matérialise à travers le caillou dans sa chaussure, qui a pour but de réveiller ses souvenirs. Qu’a-t-il fait le jour où il a perdu ses pouvoirs ? L’arrivée de Sam va réveiller cette partie endormie de sa mémoire et lui permettre de se débarrasser de ce caillou qui est une sorte de malédiction. Le caillou est là par la volonté de l’esprit de la magie, qui porte l’âme de tous les magiciens disparus, de tout ce qui nous est transmis presque sans qu’on le sache. La magie accorde une grande importance aux thèmes de la transmission et du secret. Comme dans Andrei Roublov de Tarkovski, où un homme est dépositaire d’une transmission sans le savoir. L’esprit de la magie est un rappel à l’ordre pour Harry et Sam, qui croient qu’ils sont maîtres de leur art alors que cet art leur a été transmis, ce qu’ils oublient parfois dans un sentiment de toute puissance.
 
C’est votre premier texte pour enfants. Comment avez-vous procédé pour l’écriture ?
 
Petite, j’étais une grande lectrice fascinée par les airs rimés, Lewis Carroll, Apollinaire, Desnos. J’écris tout le temps en vers libres. Pour cette pièce j’ai adopté la convention du vers rimé, qui me permet paradoxalement de libérer mon imagination. C’est intimidant d’écrire pour les enfants. La pièce a été écrite dès le départ pour les deux interprètes. Je connaissais Harry Holtzman comme comédien. Il m’a montré son travail de clown avant que je commence à écrire. J’ai rencontré Samuel Faccioli lors d’un festival où nous étions tous deux programmés, lui comme danseur avec la compagnie La Vouivre. J’ai donc travaillé en sachant pour qui j’écrivais, et ce que j’avais envie de voir d’eux, physiquement. Harry avait par exemple dans son travail de clown déjà magnifiquement appréhendé la chute. Le travail de troupe avec Samuel, Harry et Laurent Fréchuret a permis une confiance et une cohésion esthétique très fortes.Les choses tristes se mêlent aux choses gaies. Les enfants rient de la tristesse de Harry et en même temps sont conscients de cette tristesse. C’est très intéressant de jouer sur ce double registre : quelque chose de pathétique et quelque chose de drôle.


Propos recueillis par Agnès Santi


A propos de l'événement



x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre