La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -276-Pascal Gallois

Défense et illustration de la culture européenne

Défense et illustration de la culture européenne - Critique sortie Classique / Opéra
© Philippe Gontier

Entretien Pascal Gallois

Publié le 21 avril 2019 - N° 276

A la tête de l’Ensemble Orchestral Contemporain, Pascal Gallois réunit cinq compositeurs européens vivants, de nationalités et générations différentes : Miroslav Srnka, Isabel Mundry, Stéphane Magnin, Brice Pauset et Salvatore Sciarrino.

Que retirez-vous de la première page de votre “partition” de l’Europe écrite en mars dernier ?

Pascal Gallois : En ce qui concerne notre Ciné-Concert du 20 mars, le public a manifesté son grand intérêt pour la musique de Michael Obst et le film du cinéaste Fritz Lang Doktor Mabuse. Ce dialogue entre deux générations de créateurs allemands du début et de la fin du XXe siècle a été particulièrement apprécié. Notamment, en ce qui concerne Obst, la richesse de son écriture et son talent pour parodier des musiques populaires des années 20, en les combinant par une orchestration et des sons électroniques composés à l’IRCAM, ont fortement impressionné. Dans les semaines à venir, avant les élections européennes, la culture et la musique doivent absolument prendre leur place dans le débat.

Le nouveau volet de votre initiative sera en partie consacré à Visconti, inspiré par Thomas Mann et Gustav Mahler… Une affiche très européenne !

P. G. : Un cinéaste italien, un écrivain allemand et un compositeur autrichien. Thomas Mann, né à Lübeck, s’inspire de Venise : deux ports européens au rayonnement international. L’identité culturelle européenne que nous entretenons en permanence, et inconsciemment, dépasse depuis toujours les frontières et les langues. Dans cette programmation du 21 mai, nous percevrons un véritable esthétisme européen, qui sera mis en regard de Visconti.

« Dans cette programmation du 21 mai, nous percevrons un véritable esthétisme européen, qui sera mis en regard de Visconti. »

De Beethoven, que vous décrivez volontiers comme le premier européen, aux compositeurs d’aujourd’hui réunis à votre concert du 21 mai, vous dressez le portrait d’une Europe des compositeurs. Comment la voyez-vous ?

Pascal Gallois : Je ne pense pas être le seul à penser Beethoven comme symbole du compositeur européen puisque l’Europe a choisi son Ode à la joie pour en faire son hymne… N’étant pas compositeur mais interprète, j’ai eu cette chance de consacrer ma vie professionnelle à la création grâce à diverses collaborations avec des compositeurs de toutes générations : de Boulez, Berio, Ligeti et Stockhausen à Gérard Grisey, Salvatore Sciarrino puis Philippe Schoeller ou Franck Bedrossian… J’ai également enseigné pendant de nombreuses années à Darmstadt, lieu symbolique de rencontres européennes avec le monde, très différent de ce que je vivais à Paris entre l’Ensemble Intercontemporain et l’IRCAM. J’ai travaillé avec des compositeurs européens, italiens, allemands, tchèques, hongrois, français, etc., qui ont tous pour point commun une formation classique très forte. Leurs références à des compositeurs comme Bach ou Beethoven venaient régulièrement dans nos conversations. Il me semblait important de communiquer au public ces références communes des compositeurs, surtout aux plus jeunes, afin de mettre en lumière nos racines européennes. Il me faut rappeler que c’est l’Europe qui a créé le métier de compositeur, et l’action d’écrire la musique, indépendante de celle de l’interprète chef d’orchestre, est forcément liée à l’idée de transmission. Le concert, rencontre entre compositeur et public grâce aux interprètes, est aussi une invention européenne.

Comment avez-vous choisi les cinq compositeurs au programme du concert du 21 mai ?

P. G. : Au programme Miroslav Srnka, compositeur tchèque qui vit et travaille en Allemagne mais fait aussi souvent référence à la musique contemporaine française, Isabel Mundry, compositrice allemande influencée par la musique du Nord de l’Europe et qui enseigne en Suisse, Stéphane Magnin, compositeur français très influencé par l’italien Sciarrino – la pièce de Magnin Ant-inferno est une transfiguration du film de Pier Paolo Pasolini Salo où les 120 journées de Sodome -, Brice Pauset, compositeur français dont la pièce interprétée est un hommage à Schoenberg, Salvatore Sciarrino, immense compositeur italien qui est également un véritable érudit de la peinture des XIVe et XVe siècles, ce qui se ressent fortement à l’écoute de ses œuvres. Le choix a été très difficile tellement il y avait de possibles ! C’est donc à la fois les personnalités très contrastées de ces 5 compositeurs et le cheminement du concert entre leurs pièces qui ont guidé mon choix. Il fallait aussi concevoir le concert qui suit la projection de Mort à Venise de Luchino Visconti. J’ai choisi d’inviter l’Ensemble Orchestral Contemporain pour l’interpréter, un ensemble constitué de solistes de grande qualité, qui a pour particularité de ne pas être ancré à Paris mais à Saint-Étienne et Lyon. Le travail remarquable de l’EOC en région est à souligner ainsi que leur ouverture à tous les styles européens.

 

Vous venez de lancer le site www.ngme.fr. A quelles fins ?

Pascal Gallois : Il me semblait indispensable de mettre en place une agora pour présenter le projet dans le contexte des élections européennes à venir. Ce site est le lien permanent avec notre projet.

 

Propos recueillis par Jean Lukas.

A propos de l'événement



Forum des images, Forum des Halles,

Mardi 21 mai à 20h. Tél. : 01 44 76 63 00. Places : 8 à 12€. Réservation sur place et  www.forumdesimages.fr

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