La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -239-Compagnie du Bredin ~ Laurent Vacher

Combat de Nègre et de Chiens

Combat de Nègre et de Chiens - Critique sortie Théâtre
© Christophe Raynaud de Lage Dorcy Rugamba et Daniel Martin, interprètes de Alboury et Horn.

De Bernard-Marie Koltès / mes Laurent Vacher
Entretien Laurent Vacher

Publié le 24 décembre 2015 - N° 239

Avec un quatuor de comédiens de haut vol, Laurent Vacher met en scène Combat de Nègre et de Chiens de Koltès, une œuvre qui le fascine depuis sa jeunesse.

Quel est votre regard sur cette pièce ?

Laurent Vacher : Spectateur et jeune acteur, j’ai découvert Koltès au moment où Chéreau l’a monté, notamment Combat de Nègre et de Chiens, et j’ai été fasciné par cette écriture. Plus tard, mes voyages en Amérique latine et en Afrique m’ont en quelque sorte rapproché de son univers, ont nourri mon expérience et mon regard. J’ai travaillé son œuvre en tant que metteur en scène avec des acteurs au Paraguay. Et lors de résidences artistiques au Tchad, ou en Mauritanie et au Mali, j’ai été confronté à une société dure et connu des moments forts. Beaucoup d’expatriés y vivent en autarcie, et en quelques semaines, je connaissais davantage N’Djaména que certains qui vivaient au Tchad depuis des années ! La colonisation a laissé de profondes blessures, et en héritage la corruption qui persiste comme modèle de pouvoir. Ce que j’ai vécu dans ces pays m’a beaucoup influencé pour la mise en scène. Combat de Nègre et de Chiens n’est pas une pièce sur l’Afrique, mais explore avec acuité les relations complexes de ces quatre personnages piégés, enfermés – Blancs, Noir, hommes et femme -, et explore aussi de façon fine et percutante le rapport de la France à l’Afrique. Le texte est un miroir de notre début de siècle, violent, chaotique et en manques de repères.

« Un drame humain traitant des différentes façons d’être étranger à l’autre. »

Qui sont les personnages ?

L. V. : Horn, soixante ans, chef de chantier, Léone, qu’il a fait venir de France pour le rejoindre, Cal, la trentaine, ingénieur, et Alboury, un Noir mystérieusement introduit et venu réclamer le corps de son frère, dont Koltès précise qu’il s’agit du nom d’un roi Ouolof au XIXème siècle qui s’opposa à la pénétration blanche. Chacun des personnages développe une obstination inébranlable, catégorique, qui conduit à l’affrontement, à une impasse et à leur propre perte. Koltès décortique les relations de pouvoir et les rapports de force, tout en laissant aussi des parts d’ombre chez les personnages. C’est un drame humain où l’être blanc remplace le bourgeois, traitant des différentes façons d’être étranger à l’autre. La seule qui peut-être aurait pu envisager de vivre autrement, c’est Léone, un personnage qui me bouleverse. L’amour qu’elle déclare à Alboury avec ses mots à elle, c’est une leçon de vie. Dans la première version de la pièce, Koltès affirme la possibilité d’une histoire d’amour entre Léone et Alboury, et à la demande de Chéreau, réécrit une scène entre les deux où planent doute et ambiguïté. Algoury n’a pas les mêmes valeurs ni tout à fait la même langue que les autres personnages. Koltès passe d’un tumulte à l’autre. Il explore aussi de façon extraordinaire le lien à l’entreprise de Horn, personnage complexe et contradictoire, et il met à nu la violence de Cal, la mécanique impitoyable qui mène un homme normalement constitué au meurtre. Les comédiens sont formidables : Dorcy Rugamba (Alboury), Daniel Martin (Horn), Quentin Baillot (Cal) et Stéphanie Schwartzbrod (Léone).

Quel environnement avez-vous imaginé ?

L. V. : J’ai voulu utiliser des matériaux bruts, forts, pouvant s’user et rouiller, et créer aussi une forme d’abstraction dans la scénographie. De grandes plaques d’acier et de fer ajourées laissent voir ce qui se passe en arrière-plan, c’est à la fois clos et ouvert sur une profondeur. Le drame complètement délocalisé est mu par la force de la parole. Koltès était influencé par des choses contemporaines : la musique, l’univers cinématographique… La pièce me fait penser à un western de Sergio Leone : Il était une fois dans l’Ouest, dans sa première partie énigmatique, avec ses personnages enfermés dans des noeuds mystérieux de vengeance. Ça ne peut que mal finir…

 

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement

Combat de Nègre et de Chiens
du mardi 12 janvier 2016 au samedi 30 janvier 2016


Château Rouge, 74100 Annemasse, du 12 au 14 janvier 2016. Tél : 04 50 43 24 24. Théâtre Jean Arp, 92140 Clamart, du 19 au 23 janvier 2016. Tél : 01 41 90 17 00. Théâtre Ici & Là, 54790  Mancieulles, du 26 au 30 janvier 2016. Tél : 03 82 21 38 19.

 

Compagnie du Bredin – Laurent Vacher, 54790 Mancieulles. www.compagniedubredin.com

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