Dauvergne exhumé
Directeur artistique du CMBV, Benoît Dratwicki nous parle de l’œuvre d’Antoine Dauvergne (1713-1797), mise à l’honneur en ce début de saison à Versailles. En octobre paraîtra la biographie qu’il vient d’écrire sur ce compositeur (éditions Mardaga – CMBV).
« Antoine Dauvergne est un compositeur à cheval entre le baroque et le classique, entre Louis XV et Louis XVI. » Benoît Dratwick
Quel a été le parcours d’Antoine Dauvergne ?
Benoît Dratwicki : Né en 1713 à Moulins, Antoine Dauvergne a commencé par étudier le violon, un instrument qu’il pratiquera en virtuose. Il jouera d’ailleurs au sein de la prestigieuse Académie royale de musique. Il devient ensuite batteur de mesure, l’ancêtre du chef d’orchestre. Une fonction qu’il cumulera avec celle de compositeur ; à partir de 1752, il se met à écrire des opéras. Par intermittence, il sera également trois fois directeur de l’Opéra à Paris.
Pourquoi est-il tombé dans l’oubli ?
B. D. : Antoine Dauvergne est un compositeur à cheval entre le baroque et le classique, entre Louis XV et Louis XVI. Ses œuvres n’ont malheureusement jamais eu le temps de s’installer, la réforme de Gluck l’éclipsant totalement. Si son nom est resté dans certains manuels d’histoire de la musique, c’est pour une seule chose : il a écrit le premier opéra comique français, Les Troqueurs, pour lequel il s’inscrit dans la lignée de Pergolèse.
Qu’est-ce qui vous a séduit dans sa musique ?
B. D. : A mon sens, Dauvergne offre un équilibre très intéressant entre le style de Rameau, audacieux harmoniquement, très intellectuel, et celui de Mondonville, qui se distingue davantage par son côté brillant et virtuose. Il est donc plus « rafraîchissant » que Rameau mais plus sérieux que Mondonville ! Ce qui est aussi intéressant chez lui, c’est son travail en tant que programmateur. Lorsqu’il a été directeur de l’Opéra de Paris ou du Concert spirituel, il n’a pas hésité à inviter des compositeurs étrangers, comme Gluck, Salieri, Cherubini… Il a, d’une certaine façon, installé l’école pré-romantique française.
Comment avez-vous choisi les œuvres pour la saison de Versailles ?
B. D. : Ce fut un vrai crève-cœur ! C’est comme si l’on devait faire une programmation Rameau en se limitant à trois de ses ouvrages. Comment choisir ? J’ai souhaité donner en intégralité sa tragédie lyrique Hercule mourant, car elle est la seule qui se base sur un livret de son époque, écrit par Marmontel. Dans cette œuvre, Dauvergne développe le style pathétique. L’autre ouvrage lyrique programmé, ce sont Les Vénitiennes, un spectacle de demi-caractère, moitié comique, moitié sérieux. Dans le registre purement comique, nous avons choisi Les Troqueurs et La coquette trompée. Il me paraissait également important de montrer le travail de programmateur de Dauvergne. Nous ferons donc entendre les œuvres qu’il a mises à l’affiche à Paris, écrites par Gluck, Cherubini, Sacchini…
Propos recueillis par Antoine Pecqueur
Grandes Journées Dauvergne en octobre
et novembre 2011.