La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

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Andy Emler

Andy Emler - Critique sortie Jazz / Musiques
(PHOTO by Christian Ducasse.)

Publié le 10 mai 2008

Pourquoi avoir consacré votre vie à la musique ?

Andy Emler : Les rencontres décident d’une vocation. Dans mon cas, ce fut celle d’un professeur, grande dame de la musique française, héritière des nobles familles d’organistes fondatrices de l’Ecole Niedermayer, qui accueillit Fauré, Saint-Saëns ou Roussel. De huit à dix-sept ans, j’ai suivi son enseignement. Je viens d’une famille totalement hors du milieu de la culture et elle m’a appris l’émotion ! On a déchiffré ensemble à deux pianos toutes les symphonies de Beethoven et Mozart… Cette femme m’a transmis une flamme qui s’appelle « musique » avec intelligence et une extraordinaire ouverture d’esprit. J’avais à l’intérieur ce potentiel prêt à éclore et elle l’a révélé. Issue d’une tradition d’organistes rôdés à l’improvisation, elle s’amusait de mes initiatives hors champ classique. Mais elle ne m’a pas lâché sur la technique. C’est par cette femme que les choses se sont déclenchées. Le seul phénomène dont elle a été absente, c’est le travail en groupe de rock, qui a ensuite évolué vers le pop, la fusion et donc vers le jazz. Voici pour l’enchaînement chronologique.

Vous avez prononcé le mot « rock » avant d’utiliser le mot « jazz »…
A.E. : Dans un groupe de rock, on improvise forcément. Et j’ai commencé comme ça, en écoutant des choses à la radio et en les repiquant au piano… C’est de la tradition orale. On travaille à l’oreille. J’ai toujours été incapable de prendre une partition et de la jouer correctement de A à Z. Ce goût d’autres espaces ne m’a jamais quitté. Et c’est vrai que le jazz est venu après. Je l’ai vraiment découvert au Conservatoire de Paris, à travers ma rencontre avec Antoine Hervé. Il m’a fait découvrir Oscar Peterson et m’a emmené écouter Miles Davis…
« Nous sommes des compositeurs qui utilisons des improvisateurs pour jouer notre musique »

Vous vous situez donc à l’exacte lisière entre la musique savante européenne et le rock, vos deux influences premières ?
A.E. : Je m’inscris dans cette tradition « classique » à travers un sincère désir d’écriture. Ces gens qui ont le savoir de l’écriture classique et qui ont aussi le talent et l’éducation de la musique en liberté (jazz, pop, rock) font une musique qui existe aujourd’hui mais qui n’a aucune identité. Elle est classifiée dans le jazz, ce qui est pour moi une limite insupportable. On n’a pas trouvé de terme générique pour ces musiques savantes qui utilisent aussi l’énergie, le groove, l’instinct, l’animalité du musicien… Nous sommes des compositeurs qui utilisons des improvisateurs pour jouer notre musique. C’est un phénomène nouveau qui existe depuis 25 ans.

Votre position « multi-directionnelle» vous convient-elle ?
A.E. : Cette place est extraordinaire et je crois que c’est la meilleure ! C’est passionnant de former des musiciens classiques à l’improvisation, de travailler avec des enfants, de me retrouver seul face à la feuille blanche pour composer ou d’être sur scène avec le MegaOctet. Je voyage dans mille univers ! Pour mes projets, je peux choisir à l’envi les Percussions de Strasbourg, Michel Portal, Ballaké Sissoko ou encore un slameur ! Je suis libre d’imaginer ce que je veux, à condition de conserver mon fil conducteur mental, de composer en toute sincérité et d’échapper aux recettes établies.

Du Mégaoctet émane un rayonnement très positif. A quoi tient-il ?
A.E. : On ne fait pas de la musique pour se prendre la tête. Pour atteindre l’art, on passe par des chemins humains, à mon avis, essentiels. La musique pour faire du bien et se faire du bien ! Quand ça marche dans les deux sens, c’est idéal. Générosité, grand cœur, confiance, humour et diplomatie restent les meilleurs ingrédients. J’aime faire plaisir au spectateur. J’essaye de garder simplicité et fraîcheur, ainsi que l’équilibre de ce triptyque extraordinaire qui comble ma vie : écriture, scène et transmission.
Propos recueillis par Jean-Luc Caradec et Anne-Laure Lemancel


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