Lancelot Hamelin,
auteur de Ici, ici, ici (Editions Quartett)
Focus -215-Centre national du Théâtre
Née en 1980 en Roumanie, Alexandra Badea vit à Paris depuis 10 ans. Dans sa pièce Pulvérisés (publiée chez L’Arche Editeur), elle décortique, à quatre voix, les rouages et les ravages intimes de la mondialisation.
Comment votre pièce Pulvérisés s’inscrit-elle dans l’ensemble de votre œuvre ?
Alexandra Badea : Cette pièce marque un virage dans mon écriture, d’une part sur la démarche, car c’est un texte nourri d’un long travail de documentation, et d’autre part sur la forme, plus radicale que celle de mes autres pièces. J’ai continué de développer cette forme dans les textes qui l’ont suivie. Après avoir fini mon premier roman, Zone d’amour prioritaire, qui sortira en février (ndlr, chez L’Arche Editeur), mon écriture bouge encore vers un autre registre.
Les quatre personnages sont pulvérisés par le système économique mondial. Qu’avez-vous voulu montrer, voire dénoncer ?
A. B. : Il ne s’agit pas de dénoncer la cruauté du système économique mondial, mais de saisir l’endroit où ce système rend impossible la vie des gens, et quels sont ses rouages. Ce qui m’intéresse au théâtre, c’est d’entrer dans le monologue intérieur du personnage. Le dialogue est pour moi prétexte à déclencher la parole intime, qui ne se fait pas entendre, la partie cachée des individus. Je souhaite porter une parole qui n’est pas souvent entendue dans l’espace public, pour provoquer une réflexion. Ces personnages sont à la fois complices et victimes, comme nous tous. Nous sommes tous responsables de la dégradation et de la violence des relations humaines. Je crois qu’on a encore la liberté de dire non. C’est difficile, mais il faudra trouver la manière de le faire.
Existe-t-il des projets de mise en scène de ce texte ?
A. B. : Le texte a été mis en ondes à France Culture par Alexandre Plank, dans le cadre des Chantiers nomades (je pense qu’il peut, encore, être podcasté), et il sera créé par Aurélia Guillet et Jacques Nichet au Théâtre national de Strasbourg du 4 au 20 février 2014, et à la Commune d’Aubervilliers du 22 mars au 5 avril.
Vous recevez aujourd’hui le Grand prix de littérature dramatique : quelle impression cela provoque-t-il ?
A. B. : Longtemps, on m’a reproché de faire un théâtre trop violent et politique, que la forme de mon écriture n’était pas très facile. Aujourd’hui, avec ce prix, on me dit que cette voix, que je m’obstine à défendre, a sa place dans le paysage théâtral français.
Entretien réalisé par Catherine Robert
Centre national du Théâtre, 134, rue Legendre, 75017 Paris. Tél. 01 44 61 84 85. www.cnt.asso.fr
auteur de Ici, ici, ici (Editions Quartett)