Activer l’espace public et transformer le regard, entretien avec Yoann Bourgeois

Est-il juste de dire que le Grand Rassemblement se concentre sur les créations participatives in situ ?

Yoann Bourgeois : Depuis 7 ans que le projet du CCN2 existe, c’est une qualité qui est récurrente. Pour moi, l’espace public n’existe pas une fois pour toutes, c’est quelque chose qui s’active et qui se défend. Les artistes du GR prennent part à la construction de cet espace, leurs œuvres déplacent et transforment le regard que l’on peut porter sur lui pour qu’il devienne poétique. Et puis, jouer ailleurs et différemment, c’est aussi l’opportunité de rencontrer de nouveaux publics. Et la gratuité des spectacles permet une ouverture.

« Dans la création artistique, le mouvement essentiel est le désir de liberté. »

Est-ce que vous sentez actuellement un engouement pour cette forme de création ?

Y.B. : Nous étudions tous les ans les œuvres des artistes qui souhaitent venir en résidence au CCN2, et je constate que les œuvres in situ et participatives se sont considérablement développées ces dernières années. Je ne pense pas que ce soit seulement parce que notre centre est repéré comme accueillant des spectacles situés. Sans doute cela répond-il à un besoin de rechercher d’autres espaces ou d’autres modes de production, d’éviter une certaine forme d’institutionnalisation. Et puis j’ai l’impression que dans la création artistique, le mouvement essentiel est le désir de liberté, et la création in situ participe à un mouvement de décloisonnement de nos pratiques.

Comment avez-vous, vous-même, rencontré cette modalité de création ?

Y.B. : J’ai développé mon goût pour ce registre de pratiques grâce à des rencontres extrêmement importantes, par exemple les ZAT (Zones Artistiques Temporaires) de Pascal Le Brun-Cordier, ou le formidable travail que faisait Christophe Blandin-Estournet avec Culture O Centre.

Dans quelle mesure votre concert-performance avec la chanteuse Keren Ann relève-t-il de la création in situ ?

Y.B. : Nous venons tous les deux avec notre répertoire, elle de chansons et moi de dispositifs et de formes courtes, et la chose se fait dans la spontanéité, puisque nous avons juste une répétition et que nous jouons le lendemain. Dans mes spectacles, c’est le rapport à l’espace qui m’intéresse : j’ai l’habitude de faire des créations in situ, et je vais tenir compte de la physionomie du lieu, pour proposer une scénographie globale unique.

Propos recueillis par Mathieu Dochtermann