La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -302-Théâtre Ouvert, une maison pour les auteurs de la page au plateau

« À Théâtre Ouvert, ce sont les auteurs et autrices qui génèrent la vie du lieu. », rencontre avec Caroline Marcilhac

« À Théâtre Ouvert, ce sont les auteurs et autrices qui génèrent la vie du lieu. », rencontre avec Caroline Marcilhac - Critique sortie  Paris Théâtre ouvert
© Christophe Raynaud de Lage Caroline Marcilhac, directrice de Théâtre Ouvert

entretien

Publié le 31 août 2022 - N° 302

Après avoir été codirectrice du festival actoral à Marseille et directrice de production du Festival d’Avignon, Caroline Marcilhac a succédé en 2014 à Micheline et Lucien Attoun, emblématiques fondateurs de Théâtre Ouvert. Elle aussi passionnée, elle continue à inventer, à accompagner les auteurs et autrices d’aujourd’hui, et de demain.

Comment se construit l’accompagnement des auteurs, de l’écrit à l’oralité sur le plateau ?

Caroline Marcilhac : Théâtre Ouvert est leur maison. Tout ce qu’on met en œuvre part de la démarche d’un auteur ou d’une autrice. Souvent dans les théâtres le projet du directeur ou de la directrice détermine les orientations à venir, mais à Théâtre Ouvert, ce sont les auteurs et autrices qui génèrent la vie du lieu. Devenu en 2011 Centre National des Dramaturgies Contemporaines, le théâtre marche en quelque sorte sur deux jambes. En premier lieu l’exploration, le repérage, avec environ 500 manuscrits par an reçus et lus par l’équipe, lecture toujours suivie d’une réponse de notre part, puis pour ceux que nous retenons l’accompagnement, qui se traduit par le peaufinement de l’écriture et la mise en relation de l’auteur avec une équipe artistique, dans un cheminement collectif qui vise à donner lieu à une forme de visibilité. Nous conjuguons ainsi un travail souterrain et diverses possibilités de présentation publique, jusqu’à la création de spectacles, en lien avec un réseau de production et diffusion. Nous avons la chance d’avoir à notre disposition deux salles de spectacle, une de 260 places et une plus petite, ainsi que des studios de répétition.

« À Théâtre Ouvert, ce sont les auteurs et autrices qui génèrent la vie du lieu. »

De quelle manière la relation au public intervient-elle dans le processus de création ?

C.M. : L’aboutissement des textes, c’est le plateau de théâtre, et c’est uniquement en portant les textes au plateau qu’il est possible de se rendre compte de la manière dont la dramaturgie interagit avec le public. Nos spectateurs sont friands de lectures, et nous les convions volontiers à l’écoute des textes pour que les auteurs recueillent leurs points de vue. Nous créons les conditions de l’écoute dans l’espace et le temps de la représentation ; l’enjeu est de faire travailler les auteurs sur leur dramaturgie pour régler en amont le plus de problèmes possibles. Tout ce qui est résolu avant permet de gagner en densité. Nous mettons en place des dispositifs adaptés aux besoins des projets, organisant des rencontres entre auteurs et divers artistes, ou entre auteurs. L’EPAT, École Pratique des Auteurs de Théâtre, permet à des auteurs de venir à Théâtre Ouvert expérimenter au plateau leur écriture pendant deux semaines. Ce dispositif est relié au travail réalisé avec cinq écoles supérieures de théâtre pendant les trois ans du cursus, fait de séances de lectures, rencontres, jusqu’à la mise en espace d’un texte avec une sortie publique gratuite.

Cette nouvelle génération d’auteurs est-elle plus qu’une autre en prise avec l’époque ?

C.M. : Les auteurs partagent le même monde que nous, un monde en très grande crise. Ils sont traversés par les préoccupations du moment : l’écologie, les questions relatives au post-colonialisme, au genre, les inégalités, etc. Je dirais qu’ils sont en avance sur ces sujets et amènent au plateau des récits manquants, avec des héros qui n’en sont pas. Ils revitalisent des mots dévitalisés comme diversité ou vivre ensemble en redonnant du sens, ou en le détournant. Chaque langue a sa singularité poétique, et la question des points de vue qui se frottent est intéressante. Les auteurs écrivent de moins en moins seuls dans leur chambre, ils ont besoin dans le processus d’écriture même de la rencontre. Théâtre Ouvert est un lieu poreux, qui participe de l’imprégnation des auteurs et autrices à l’époque.

Peut-on dire que vous contribuez à construire un nouveau répertoire théâtral ?

C.M. : Très concrètement, il suffit de feuilleter le catalogue des éditions Tapuscrit / Théâtre Ouvert pour répondre ! Ce lieu a accompagné les premiers pas de Michel Vinaver, Laurent Gaudé, Bernard-Marie Koltès, Jean-Luc Lagarce, Philippe Minyana, Noëlle Renaude et tant d’autres. Il n’y a aucune raison de penser que dans trente ans certains auteurs et autrices que nous accompagnons aujourd’hui ne seront pas toujours là ! Nous accompagnons en permanence une quarantaine d’auteurs. Cette année par exemple, Boutaïna El Fekkak et Abdellah Taïa ont écrit et interprètent Comme la mer, mon amour, un très beau texte sur des retrouvailles de deux amis après 19 ans de séparation, et Eugen Jebeleanu, artiste roumain francophone familier depuis l’enfance de l’univers de la danse sportive, a écrit et met en scène Le Prix de l’or.

Quels sont les temps forts de l’année ?

C.M. : Fin octobre, Le Jamais Lu Paris est conçu en partenariat avec Le Jamais Lu Montreal, dans le cadre d’un échange interculturel festif. En novembre un temps fort intitulé Focus articule des lectures, mises en espaces et spectacles, associés à de nouvelles écritures. Puis en mai a lieu le Festival Zoom, explorant la manière dont les auteurs se saisissent de matériaux documentaires. À Théâtre Ouvert, la création est l’occasion d’une multitude de rencontres qui interrogent le monde.

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement

Théâtre ouvert
159 Avenue Gambetta, 75020 Paris.

Tél : 01 42 55 55 50.

www.theatre-ouvert.com

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