La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Fin de série

Fin de série - Critique sortie Théâtre
Crédit : J.Dubuc Légende : « Un anniversaire de Fin de série par la compagnie Cotillard. »

Publié le 10 décembre 2011 - N° 193

La compagnie Cotillard égrène son art de la cocasserie avec Fin de série, comédie méchante et burlesque en hommage aux vieux. Sans complaisance.

Jean-Claude Cotillard, c’est le vieux, et Zazie Delem, sa vieille, douce moitié amère. L’homme est plutôt bien planté malgré son stimulateur cardiaque qui interfère dès que le micro-ondes est en marche, ce qui déclenche chez lui une série panique de gestes loufoques non contrôlés. Dans ce théâtre gestuel, le rappel de la figure masculine à la Popeye n’est rien sans son Olive, silhouette longiligne au chignon bas et gris, qui s’amuse cruellement des fragilités de son conjoint en déclenchant l’appareil ménager. Le couple est loin d’être sénile, un troisième âge bien mûr qu’on qualifierait d’actif, de sportif et de consommateur. Les deux anciens amants s’épient, ne se regardent plus, ils devinent leurs pensées mutuelles sans jamais s’exprimer verbalement. Les effets sonores participent de la batterie orchestrant le rire du spectateur. Ce sont des bruits enregistrés, artificiels et faux, des jingles domestiques dans le silence et le vide existentiels du non-usage de la parole. Seuls, parlent les gestes, les mouvements, les haussements d’épaule ou de hanche, les ratés et les maladresses des corps alourdis. Les deux partenaires d’une vie qui s’enfuit sont en concurrence, quant à leur état physique et mental. « Les vieux… ont peur de se perdre et se perdent pourtant, …celui des deux qui reste se retrouve en enfer » (Brel).
 
Un comique ravageur, grinçant et déroutant
 
On reste subjugué par la pléthore de médicaments qui partent à la poubelle, des baumes prescrits par un diable de médecin et kiné, Alain Boone, qui interprète aussi l’agent des pompes funèbres. Un bel homme souple et à l’aise dans ses baskets et dont l’acte répétitif cynique – médical ou commercial – revient à placarder des factures sur la porte d’entrée de ses patients. Le spectacle moqueur est d’un comique ravageur, grinçant et déroutant ; les gags visuels se succèdent généreusement, sans mot dire, dénonçant l’indifférence du monde face à ce couple vieillissant. Or, la commisération n’empêche pas l’analyse cruelle, et Cotillard, comme Musil dans L’Homme sans qualité, reproche à ces têtes chenues leur bêtise intellectuelle ordinaire, incapables d’établir de nouveaux rapports, autres que la morale de l’action, de l’héroïsme, du changement qu’exige d’eux l’idéologie inepte du jeunisme. Les vieux comme tous les autres sont des enfants vantards, avides de réaliser des rêves qu’ils ne réaliseront pas. Selon la tradition populaire, le spectacle évolue entre théâtre, clownerie, art du mime et du geste pour révéler subtilement les mouvements complexes de l’être intime, hors des attitudes et mimiques convenues. Cette Fin de série, sorte de Fin de partie beckettienne,revient sur la fabrication sociale en abondance d’êtres en déshérence, jeunes ou vieux, qui ne bénéficient pas d’une qualité d’existence. Même si la vie dure longtemps, elle n’est pas meilleure.
 
Véronique Hotte


Fin de série, comédie méchante et burlesque en hommage aux vieux, mise en scène de Jean-Claude Cotillard. Le 21 janvier 2012 à 20h45 et le 22 janvier à 16h. Espace Daniel Sorano, 16 rue Charles Pathé 94300 Vincennes. Tél : 01 43 74 46 88. Le 31 janvier à 19h. Théâtre Romain Rolland 18 rue Eugène Varlin 94800 Villejuif. Tél : 01 49 58 17 17 Spectacle vu au Pôle d’Alfortville.

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