Fin de partie de Kurtag, mise en scène Pierre Audi

Héritier de Bartok et Webern, György Kurtag a façonné au fil des décennies un langage rare et singulier. Cette prédilection pour les formes brèves, voire les fragments, ne prédisposait guère le compositeur hongrois à l’opéra, genre au demeurant négligé par les avant-gardes après 1945, au point de le considérer alors comme un objet muséal. Pourtant, le genre lyrique aurait précocement intéressé Kurtag, dès la découverte de Beckett dans sa jeunesse – avec lequel il partage des affinités : en 1991, il avait écrit What is the Word ? op. 30  pour voix et ensemble instrumental sur un texte du dramaturge irlandais.

Beckett version quintessence musicale

Mûri pendant plus d’une décennie, Fin de partie suit la littéralité de la pièce, qu’elle condense à un peu plus de sa moitié. Qualifiée de « scènes et monologues, opéra en un acte », la partition réussit la traduction musicale de la prose et des silences beckettiens, avec la gageure de tenir un peu plus de deux heures, quand la quintessence est assez rapidement dévoilée. Le spectacle réglé par Pierre Audi, donné avec les interprètes de la création, illustre le statisme fascinant de l’ouvrage, sans oublier des pointes d’humour cruel. Le 19 avril, les musiciens de l’Orchestre de l’Opéra de Paris proposent également un parcours dans l’univers de Kurtag, mis en miroir avec Schumann, qui a inspiré plusieurs pages de l’une des dernières légendes vivantes de la musique.

Gilles Charlassier