La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Fauves

Fauves - Critique sortie Théâtre
Légende : Un fauve attaché…à sa musique Copyright : Davy Monteiro

Publié le 10 mars 2011 - N° 187

Sont-ils bien méchants ces Fauves qui accompagnent Michel Schweizer sur la scène de son dernier spectacle ? L’air de rien, celui qui se considère comme un simple « producteur d’événements » permet d’approcher de manière profonde, sensible et drôle ce que c’est qu’être adolescent aujourd’hui.

Les spectacles de Michel Schweizer ne sont à nul autre pareil. Adepte du second degré, pourfendeur de tabous, Schweizer tourne en dérision l’étiquette d’artiste. Il se dit « manager de collectifs », rassemble sur scène des « marchandises particulières » que sont ces amateurs avec lesquels il construit ses spectacles. Après des maître-chiens, une strip-teaseuse, une culturiste, c’est au tour d’adolescents de venir nourrir sa recherche singulière. Ils sont dix qui ont été recrutés par casting pour ce Fauves que Schweizer qualifie de « comédie musicale » dans un « angle d’attaque marketing ». Que font-ils sur scène ? Ils errent, se regroupent, vivent comme seuls les ados savent le faire, dans un néant suspendu, dans une ouverture à l’autre et un enfermement sur soi d’une qualité que seul cet âge permet. Ah oui. Ils dansent aussi, chantent, font monstration tour à tour de leurs talents en germe. Et parlent. Avec leurs mots. Et avec ceux que les adultes ont écrit pour eux. Brouillent les pistes du naturel, du théâtral, de la présentation et de la représentation.

Une société qui a peur de sa jeunesse

Les encadrent deux meneurs de revue quinquagénaires, eux-mêmes pères : Michel Schweizer et Gianfranco Poddighe, en Dj un brin ringard, qui ironiquement commence par lancer Forever Young d’Alphaville. Un vieux tube des années 80. Mais au fur et à mesure du spectacle, l’espace des grands aînés se réduit. Ils s’effacent. Laissent la place. Il faut dire que leur horloge avance plus vite que celle de ces jeunes immortels, qui ne voyant pas le temps passer, développent encore des rêves de surpuissance. Pourtant, Bruce Bégout a écrit à leur intention un manuel de philosophie susceptible de les assagir. Des phrases comminatoires et drôles miment la recrudescence des interdictions dressées par une société qui a peur de sa jeunesse et l’étouffe en faisant mine de la protéger. Mais rien n’y fait. Plongés dans un monde de violence, d’émotions aigües, de libido débordante, ces ados, qui n’ont pas vraiment changé, imposent leurs préoccupations, leur naturel, leur monde, la manière dont ils reçoivent celui qu’on leur propose, tout cet univers auquel il faudra un jour enfin laisser la place et dont la fin du spectacle annonce – avec une naïveté adolescente à laquelle le spectacle (c’est sa force) donne envie de croire – qu’il constitue cette « relève imminente et inéluctable (…) qui va décisivement en finir avec les temps marchands ».

Eric Demey


Fauves de Michel Schweizer. Dans le cadre du festival Anticodes : du 3 au 5 mars au Théâtre National de Chaillot, du 23 au 26 mars au Quartz de Brest, du 31 mars au 3 avril aux Subsistances à Lyon. Et les 12 et 13 mars, à la Ferme du Buisson, et le 19 avril au Château Rouge à Annemasse.

A propos de l'événement


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