La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Les Serments indiscrets

Les Serments indiscrets - Critique sortie Théâtre
Crédit Photo : Marion Duhamel Légende : « Arnaud Simon, Dimitri Radochévitch, Jacques Bondoux et Julie Pouillon dans Les Serments indiscrets. »

Publié le 10 avril 2011 - N° 187

Au Théâtre Artistic Athévains, Anne-Marie Lazarini met en scène Les Serments indiscrets, de Marivaux. Une savoureuse plongée à travers les sinuosités et les virevoltements des sentiments amoureux.

« Je voulais, et je ne veux plus. J’aime, mais je n’aime plus ce que j’aimais. Le personnage marivaudien n’est si incompréhensible à lui-même que parce qu’il est à la fois son passé et son présent, et que de son passé à son présent il n’y a pas de route. Son étonnement est un égarement. » L’étonnement et l’égarement dont parle Georges Poulet dans l’essai qu’il a consacré à la relation qu’entretient le théâtre de Marivaux avec le temps* traversent de part en part Les Serments indiscrets. Au sein de cette comédie en cinq actes mise en scène par Anne-Marie Lazarini (dans une version resserrée), il est en effet question des bouleversements et des remises en cause qu’engendre le surgissement de la passion amoureuse. Sans crier gare, cette lame de fond qu’est l’amour vient ébranler les résolutions de deux jeunes célibataires (Julie Pouillon et Arnaud Simon) depuis toujours farouchement opposés à toute idée de mariage. Pris dans les mailles des projets d’union ébauchés par leurs pères respectifs (Jacques Bondoux et Dimitri Radochévitch – aux côtés de Cédric Colas, Frédérique Lazarini et Isabelle Mentré), cette Lucile et ce Damis entêtés s’opiniâtrent à nier leur amour, se perdant par là même dans un dédale d’esquives et de faux-semblants.
 
Un théâtre de l’instant
 
Personnages typiquement marivaudiens, Lucile et Damis font l’expérience de la redécouverte de soi-même à travers la naissance du sentiment amoureux. De demi-aveux en dérobades, cette redécouverte crée un jeu d’atermoiements d’une grande drôlerie que la mise en scène d’Anne-Marie Lazarini investit avec élégance et délicatesse. Faisant sienne toute la virtuosité d’un texte que beaucoup d’entre nous entendront ici pour la première fois, la directrice du Théâtre Artistic Athévains signe une représentation impressionniste qui, petites touches par petites touches, privilégie la rondeur de la courbe au tranchant de l’arête. Le choix de Julie Pouillon pour incarner le rôle central de Lucile est caractéristique de ce parti pris. Scène après scène, réplique après réplique, la comédienne avance de façon sourde, comme terrienne, dans l’obstination et l’enfermement de son personnage. Cette avancée implacable, qui constitue l’un des principaux ressorts comiques de la pièce, révèle des perspectives intimes extrêmement touchantes. C’est la quintessence du théâtre de Marivaux que l’on retrouve dans cette partition pleine de vivacité. Un théâtre de l’instant qui, à travers toutes les variations de l’être, exprime toutes les variations du cœur.
 
Manuel Piolat Soleymat


* Etudes sur le temps humain, Tome 2 : La distance intérieure (Pocket Agora).
 

Les Serments indiscrets, de Marivaux ; mise en scène d’Anne-Marie Lazarini. Du 1er mars au 24 avril 2011. Le mardi à 20h, le mercredi et le jeudi à 19h, le vendredi à 20h30, le samedi à 16h et à 20h30, le dimanche à 16h, relâche le lundi. Théâtre Artistic Athévains, 45 bis, rue Richard-Lenoir, 75011 Paris. Réservations au 01 43 56 38 32. Durée de la représentation : 1h45.

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