C’magic
Deuxième édition de ce temps fort du 104 [...]
La personnalité de l’artiste peintre Blandine Solange ; la performance de la comédienne Marie Micla : une double rencontre orchestrée, au Théâtre de la Tempête, par le metteur en scène Philippe Adrien.
« Mon délire, c’est l’art ! », proclamait Blandine Solange. Cette formule lapidaire résume, à elle seule, la double problématique de vie qui consumait la peintre et performeuse française (également connue sous le nom de Patricia Boulay), jusqu’à son suicide par pendaison, le 21 octobre 2000, à l’âge de 43 ans. Diplômée de l’Ecole des Beaux-Arts de Marseille, Blandine Solange tenta d’échapper à ce qu’elle appelait ses manies (bouffées de délires qui la projetaient, lors de « performances artistiques » de nature exhibitionniste, en dehors de ce qu’elle considérait comme la normalité) en entamant une psychanalyse. Mais sa thérapie ne l’aida pas à trouver les solutions propres à apaiser son mal être et apporter des réponses à ses questionnements. Destinée à son psychanalyste, bien que jamais expédiée, la longue lettre adaptée pour la scène par Dominique Frischer et Philippe Adrien (publiée, par les Editions Grasset, sous le titre Inoculez-moi encore une fois le sida et je vous donne le nom de la rose) est un texte coup de poing. Un texte strident, excessif, cru, qui dessine l’autoportrait littéraire d’une personnalité troublante.
La question de l’art et celle de la folie
Assister à la représentation conçue par le directeur du Théâtre de la Tempête plonge dans un double saisissement. D’abord, le saisissement provoqué par la découverte de ce destin tragique, par l’écoute des confessions de Blandine Solange : graves, rageuses ou pleines de dérision. Mais encore le saisissement provoqué par la performance incandescente de Marie Micla (accompagnée, sur scène, par Patrick Démerin, dans le rôle – secondaire – du psychanalyste). D’un engagement total, la comédienne rejoint les zones extrêmes de son personnage. La correspondance qui surgit entre les deux femmes est, à ce titre, frappante. Comme si l’esprit subversif et l’exhibitionnisme de Blandine Solange avaient trouvé leur pendant dans une présence scénique elle-même trouble, débordante. Car à la trivialité de certaines parties du texte répond la mise à nu très concrète de Marie Micla. Pourtant, aucune provocation dans tout cela. Aucune provocation et aucune complaisance. A la fois aventureuse et exigeante, la belle proposition de Philippe Adrien révèle la sensibilité d’une interprète sans entrave.
Manuel Piolat Soleymat