Et pourtant ce silence ne pouvait être vide
Inspirée du crime des sœurs Papin et des Bonnes de Genet, la pièce mise en scène par Michel Cerda propose l’alternance des rôles féminins. De la maîtresse à la servante, les quatre actrices jouent la domination et la soumission simultanément présentes en soi.
Une scénographie de l’échec, paravents, murs et couloirs
Anne Alvaro (présence magnétique), Catherine Mouchet (voix juste, pincée et acidulée) et les jeunes Celia Catalifo et Marie Rémond sont, en alternance, Madame et la sœur aînée pour les deux premières, la fille de Madame et la sœur cadette pour les deux dernières. L’évocation des visions de Sainte-Thérèse d’Avila suggère Genet, comme l’apparat coloré d’Elizabeth d’Angleterre, son « Bleu de France sur fond de velours gris », observé par la bonne sur les pages luxueuses d’un magazine de Madame. Le metteur en scène Michel Cerda déploie la prééminence subtile des sensations visuelles. Les bonnes en petite robe noire et tablier blanc n’ont pas accès aux couleurs de la vie, réservée aux dames en taffetas orangé contemplant une pyramide de citrons de Sicile bientôt déversés. Une scénographie de l’échec, cuisine design avec paravents, murs et couloirs, parois floues, donne la mesure comique des obstacles tragiques à la transparence et à la liberté. Les femmes vont et viennent dans les entrelacs labyrinthiques de leur petite vie étriquée. Un spectacle tendu à l’extrême sur le fil métaphorique du désir bâillonné.
Véronique Hotte
De Jean Magnan, mise en scène de Michel Cerda, le 6 novembre 2008 19h, les 7 et 8 novembre 20h30 au Forum 1/5 place de la Libération 93150 Blanc-Mesnil Tél : 01 48 14 22 00. Du 21 au 25 avril 2009 à la Comédie de Saint-Etienne CDN. Le 6 mai 2009 au Théâtre La Piscine à Antony. Texte publié aux Éditions Théâtrales.