La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Classique / Opéra - Entretien Ludovic Morlot

Entre Bruxelles et Seattle

Entre Bruxelles et Seattle - Critique sortie Classique / Opéra Paris Théâtre des Champs-Élysées

So French

Publié le 24 janvier 2014 - N° 217

Encore très peu connu en France, le chef Ludovic Morlot (né à Lyon en 1974) a pourtant accédé en 2012 à deux postes importants de directeur musical, au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles et à l’Orchestre symphonique de Seattle. Il sera prochainement l’invité de l’Orchestre national de France dans un programme de musique française.

« La rigueur rythmique est essentielle dans l’interprétation de la musique française. »

Quelle place tient la musique française dans votre répertoire?

Ludovic Morlot : La musique française occupe inévitablement une place très importante et même prédominante dans mon répertoire. Elle offre une richesse et une variété extraordinaires. J’admire particulièrement les voix de compositeurs tels que Rameau, Berlioz, Debussy et Ravel, Messiaen, Dutilleux et Boulez mais aussi celles de compositeurs moins joués tels Chabrier, Dukas, Massenet, Roussel, Ibert, ainsi que Alfred Bruneau, que je viens de découvrir et dont je viens d’enregistrer le Requiem avec l’orchestre de La Monnaie/De Munt. J’ai une admiration toute particulière pour la musique de Poulenc qui me surprend encore par son individualité, un peu à la manière de Britten dans la musique anglaise. J’apprécie aussi beaucoup la musique de Varèse et j’aime à le considérer comme un compositeur français malgré sa destinée américaine…  Et Grisey, Murail, Dusapin, Dalbavie, Aperghis et tant d’autres voix contemporaines m’intéressent.

Quelles difficultés particulières la musique française représente-t-elle pour un orchestre et un chef ?

L. M. : La rigueur rythmique est essentielle dans l’interprétation de la musique française. Cela semble évident chez Ravel et Berlioz par exemple mais c’est essentiel aussi chez des compositeurs comme Debussy et Dutilleux, dont la musique nous donne l’illusion d’une écriture beaucoup plus libre. Les nuances doivent être associées à un certain type de rubato plutôt qu’à la notion traditionnelle (variation de volume) liée au répertoire germanique. Par exemple, un crescendo appelle une certaine urgence dans le phrasé plutôt que l’élargissement de la phrase, qui correspond au réflexe de la plupart des musiciens à la lecture d’un crescendo…

En poste à Seattle (ou dans une moindre mesure à Bruxelles) vous sentez-vous une responsabilité particulière vis-à-vis de la « défense » de la musique française?

L. M. : La musique française n’a pas besoin d’être défendue à l’étranger mais il est vrai qu’on associe souvent la musique française au cercle très restreint des œuvres de Debussy et Ravel. Je suis heureux d’être aussi un ambassadeur pour les compositeurs français moins représentés hors de nos frontières.  Par exemple, l’orchestre à Seattle n’avait pas encore eu la chance d’explorer beaucoup la musique de Messiaen, Varèse, Dutilleux et Boulez. Nous avons déjà commencé à réparer cela lors de mes trois premières saisons en jouant la Symphonie Turangalila de Messiaen, Amériques et Déserts de Varèse, les Notations I,IV,III,II de Boulez et de nombreuses œuvres de Dutilleux. Nous préparons une discographie complète de son œuvre et le premier volet sera disponible au printemps (Symphonie n°1, Tout un Monde lointain (avec Xavier Phillips) et Shadows of Time). De plus, nous avons donné en novembre dernier la première aux USA du Concerto pour violon « Aufgang » de Pascal Dusapin (avec Renaud Capuçon), qui a rencontré un succès extraordinaire.

Comment avez-vous conçu votre prochain programme de musique française avec l’ONF ?

L. M. : Après mes débuts avec l’ONF il y a deux saisons dans un programme Poulenc (Gloria) et Ravel (Daphnis et Chloé), je voulais présenter et partager avec l’orchestre un autre paysage de musique française. Dutilleux est un compositeur que j’admire énormément. J’ai la chance d’appartenir à cette génération qui a eu l’honneur de discuter de musique avec cet artiste généreux et magnifique.  Chabrier appartient à ces compositeurs que l’on ne joue pas assez. J’aimerais explorer aussi ses merveilleux opéras à nouveau. Briseis par exemple… Sublime ! Je me suis plongé dans sa correspondance récemment et quel humour en plus de son génie musical ! J’aime parfois programmer à la manière des chefs du début du siècle dernier (la programmation de Mahler, Toscanini ou Monteux est fascinante). La symphonie en première partie, puis le concerto, et enfin une ouverture ou des pièces de caractère, comme ce sera le cas avec l’ONF avec la Bourrée fantasque et Espana de Chabrier.

 

Propos recueillis par Jean Lukas.

A propos de l'événement

Symphonie n° 2 « Le Double » de Dutilleux, Concerto pour piano n° 2 de Saint-Saëns (avec Cédric Tiberghien en soliste), Bourrée fantasque et Espana de Chabrier.
du jeudi 6 mars 2014 au jeudi 6 mars 2014
Théâtre des Champs-Élysées
15 avenue Montaigne, 75008 Paris

Jeudi 6 mars à 20h. Tél. 01 49 52 50 50. Places : 5 à 60 €.
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