Avignon / 2013 - Entretien Nadia Xerri-L
En quête d’idole
La Manufacture / Je suis / tu es / Calamity Jane
Texte et mise en scène Nadia Xerri-L
Publié le 26 juin 2013 - N° 211
Une ado paumée sur la route, quelque part dans l’Ouest américain. Elle attend Calamity Jane, qu’elle veut pour mère et qui ne veut pas être mère. L’auteure et metteuse en scène Nadia Xerri-L imagine leur rencontre improbable et trame un road-movie fantasmatique qui dévoile le jeu de construction de la légende.
« Pour moi, l’écriture, c’est gratter ce qui semble normal, naturel, pour dévoiler ce qui s’y cache. »
Pourquoi vous emparer de la légende de Calamity Jane par l’écriture ?
Nadia Xerri-L : J’adore les westerns depuis l’enfance ! Calamity Jane est la seule femme qui ait marquée l’histoire de la conquête de l’Ouest, mais surtout elle a su allier sa masculinité à sa féminité. Elle incarne une figure héroïque, par sa bravoure lors des guerres indiennes, par son maniement des armes, par ses aventures avec Wild Bill ou encore par le spectacle Wild West Show, qui s’inspire de sa destinée. En fait, cet héroïsme relève beaucoup du fantasme. Car elle s’écrit plusieurs biographies, contradictoires d’ailleurs sur de nombreux faits. Elle fabrique sans cesse sa propre légende, au point qu’on peine à démêler le vrai du faux.
Cette autofiction qu’elle crée et divulgue rappelle étrangement les récits de soi qui prolifèrent aujourd’hui sur le net…
N. X.-L. : J’observe en effet que notre époque voit se développer les mises en scène de soi, notamment grâce aux réseaux sociaux. Sur facebook ou twitter, certains mettent en scène tous leurs faits et gestes, postent des photos d’eux, se racontent… Comme s’ils n’arrivaient pas à habiter l’instant. Ces attitudes me touchent car elles trahissent une solitude terrible. A travers la figure de Calamity Jane, j’aborde la question de comment on se perçoit et comment on voudrait être perçu, comment on se raconte et on se donne à fantasmer aux autres. C’est aussi l’histoire de deux solitudes qui se rencontrent.
Cette adolescente a-t-elle besoin de se raccrocher à une idole pour se construire ?
N. X.-L. : Elle cherche des repères, pour étayer sa personnalité. Elle adore adorer ! Au point de préférer l’idole à la personne réelle. Elle se montre même violente lorsque Calamity Jane ne se comporte pas selon le personnage mythique qu’elle représente pour elle. Cet amour excessif, dévorant, des fans pour l’image de leur star plus que pour la personne réelle, m’a toujours intriguée. Cette pièce est née aussi de ces interrogations. Pour moi, l’écriture, c’est gratter ce qui semble normal, naturel, pour dévoiler ce qui s’y cache.
Comment abordez-vous le texte au plateau ?
N. X.-L. : La rencontre naît du fantasme de l’adolescente. Elle se déroule dans l’habitacle d’une Autobianci des années 70, qui offre un espace propice à la parole intime, parce que chacun parle en fixant droit devant lui et donc échappe au regard de l’autre. Scénographie très concrète d’autant plus que les éclairages ne sont apportés que par les phares et le plafonnier, la voiture produit un effet de réel tout en portant un imaginaire cinématographique très puissant, celui des road-movies. Ce spectacle est un hommage au cinéma… au théâtre.
Entretien réalisé par Gwénola David
A propos de l'événement
Je suis / tu es / Calamity Janedu dimanche 7 juillet 2013 au samedi 27 juillet 2013
La Manufacture
2 rue des Ecoles 84000 Avignon
Avignon Off. La Manufacture, 2 rue des Ecoles, 83000 Avignon. Du 7 au 27 juillet (relâche le 17), à 20h10. Tél. : 04 90 85 12 71.