Luc Amoros / Autre temps
Puisant dans la cosmogonie des Indiens [...]
Marjorie Nakache revisite les classiques, les dépoussière et en extrait ce qu’on en dit des femmes, comme elles se disent et comme on les montre. Hommage à la langue, aux femmes et au théâtre.
« L’aventure est née de l’envie de travailler sur un texte classique et d’adresser cette parole aux jeunes gens », dit Marjorie Nakache, dont le travail artistique, au Studio Théâtre de Stains, est toujours indéfectiblement lié au souci d’une adresse incarnée et humaniste au public. On ne saluera jamais assez le souci de Marjorie Nakache et des siens d’ouvrir les portes intimidantes du théâtre à tous, et notamment aux plus jeunes. On ne dira jamais assez non plus combien ce patient labeur mérite le soutien des tutelles et la présence du public, non seulement pour ses vertus politiques, mais aussi pour sa qualité artistique. Elles allie avec autant d’esprit que d’efficacité la veine pédagogique et la volonté esthétique qui guident l’équipe de Stains. On y comprend tout du théâtre, sans que la représentation ne se transforme en pensum scolaire, et on y jouit pleinement de ce qui se donne à voir, comme toujours quand on comprend mieux. Cour et jardin, didascalies et distanciation, deus ex machina et coulisses, trucs et malices, superstition et prestidigitation : tout ce qui fait le mystère et la magie de cet art est expliqué ou montré, grâce à quatre comédiennes pétulantes, drôles, émouvantes et gracieuses, qui changent allègrement de ton, d’emploi et de posture.
Le théâtre, à l’envers et au bon endroit
La coquette et l’infidèle, la rouée et la niaise, Andromaque et Elvire en leurs imprécations, les phoques informes et fangeux de Musset, le petit chat d’Agnès catapulté par dessus le décor, un perfecto insolent pour Antigone et le corset des obligations matrimoniales pour une promise trop soumise : la mise en scène joue des clichés pour mieux les détourner. Il s’agit de dévoiler ce qui fait l’enchantement du théâtre, ainsi que ceux qui le font, pour mieux décortiquer ses effets. Mais – et cela, les comédiennes ne l’expliquent pas mais, jolie pirouette, le montrent quand même – se produit le miracle du jeu. Le cœur s’emballe et la tête se redresse en entendant ces textes pleins d’émotion, qu’on redécouvre toujours avec bonheur, même quand le temps les a pétrifiés en classiques. Ce portrait de femme plurielle, composé par collage par Xavier Marcheschi et Marjorie Nakache, est en même temps un portrait du comédien, de son art paradoxal et de sa capacité à dire la vérité de la représentation. En cela, il est une belle défense et illustration d’un métier en même temps que d’une passion : subtile alliance que ceux du Studio Théâtre de Stains maintiennent pour tous et contre tout !
Catherine Robert
Puisant dans la cosmogonie des Indiens [...]