Elisabeth Bouchaud / Le laboratoire du rêve
La Reine Blanche / A contre-voix / d’Elisabeth Bouchaud / mes Nathalie Martinez
Publié le 21 décembre 2015 - N° 239Nathalie Martinez met en scène le duo inventé par Elisabeth Bouchaud. Directrice de La Reine Blanche, Elisabeth Bouchaud interprète Rose, et Clara Schmidt est Marguerite : deux femmes libres aux voies et aux voix croisées.
« Je crois que le chant est le mode ultime de l’expression de soi. »
Quoi de nouveau dans cette mise en scène d’un texte que vous avez déjà interprété ?
Elisabeth Bouchaud : J’ai écrit la pièce en 1994. Elle a été montée plusieurs fois. D’abord à la création par Isabelle Andreani, puis par Serge Dangleterre six ans après, puis par Richard Birdge, à Londres, en version anglaise. La proposition de mise en scène de Nathalie Martinez m’a séduite car on y chante beaucoup plus. Clara Schmidt, qui interprète Marguerite, est une soprano, et, de mon côté, je suis assidument des cours de chant pour réussir à interpréter quelques notes de Gershwin !
Pourquoi cette importance accordée à la musique ?
E. B. : D’abord parce que j’aime énormément la musique et ensuite parce que je crois que le chant est le mode ultime de l’expression de soi. Pour Rose et Marguerite, il est aussi le vecteur de leur liberté. Nous ne sommes pianistes ni l’une ni l’autre : Clara chante sur des enregistrements de piano ou a cappella. Cependant, nous avons installé un quart de queue sur scène, comme un partenaire de jeu, en même temps qu’un miroir pour signifier le passage du temps. Car ce qui unit ces deux femmes est aussi ce qui les sépare : Marguerite a la vie devant elle et Rose a passé l’âge des possibles. La scène ressemble à une loge : le spectateur est face à la coulisse. On renverse le point de vue habituel. Cette coulisse, c’est le laboratoire du rêve, là où se mijote l’illusion théâtrale : voilà ce que j’avais envie de donner à voir.
Que raconte l’histoire de Rose et Marguerite ?
E. B. : L’histoire de deux chanteuses qui veulent avoir voix au chapitre de leur vie. Mais la pièce raconte aussi beaucoup de la violence faite aux femmes. En plaçant l’intrigue en 1930, j’ai pu dire cette violence de manière très crue. Marguerite est une jeune aristocrate qui a eu une liaison avant son mariage et qu’on a recousue pour donner l’illusion de sa virginité. Quant à Rose, elle a choisi d’avorter et ne peut plus avoir d’enfants. Elles ont respectivement vingt et quarante-cinq ans. Marguerite cherche une maman et Rose se projette sur cette jeune femme qui a une voix exceptionnelle et qu’elle aurait voulu avoir comme fille. Comme souvent lorsque les relations fonctionnent, on a là deux névroses qui s’emboîtent ! Mais pas tout à fait non plus ! Elles passent à côté l’une de l’autre. Marguerite, qui apparaît au début comme l’oiseau sur la branche, se révèle une femme d’action, déterminée et qui s’envole vers le succès, alors que Rose, qui semble d’abord très décidée, se retrouve à la fin prisonnière de ses fêlures intérieures.
Quelle leçon de vie tirer de cette pièce ?
E. B. : Parmi toutes les critiques publiées à la création du spectacle, celle qui m’a le plus touchée parlait de la délicatesse avec laquelle ce spectacle abordait la condition des femmes. A travers Marguerite et Rose, j’ai voulu raconter ces femmes qui se battent pour leur liberté et pour vivre leur féminité dans une société qui ne le leur permet pas. Et leur rendre hommage.
Propos recueillis par Catherine Robert
A propos de l'événement
Elisabeth Bouchaud / Le laboratoire du rêvedu mercredi 16 décembre 2015 au dimanche 20 mars 2016
La Reine Blanche
2bis Passage Ruelle, 75018 Paris, France
Du 16 au décembre 2015 puis du 3 janvier au 20 mars 2016. Mercredi et vendredi à 21h ; dimanche à 17h. Relâches 29 janvier et 12 février. Tél. : 01 40 05 06 96.