D’un château à l’autre avec Esa-Pekka Salonen et Josep Pons

Décor : un sombre château, « vieux, très vieux, terrible et merveilleux ». Le comte Barbe-Bleue et sa jeune épouse Judith en referment les portes derrière eux. Dès lors, tout l’orchestre figurera tous les éléments du drame, emprunté à Perrault et Maeterlinck  et condensé dans le livret de Béla Balász : l’état de l’âme des deux protagonistes — exaltation amoureuse et peur mêlées chez Judith, douleur résignée du comte face à l’accomplissement inéluctable du destin — mais aussi le château lui-même, avec ses murs qui pleurent et soupirent. Une à une, Judith en ouvre les portes : chacune découvre un paysage symphonique différent ; c’est un véritable concerto pour orchestre avant l’heure.

Deux chefs : Salonen et Pons

Nul besoin de mise en scène pour être ébloui par la lumière qui jaillit de la cinquième porte dans un impressionnant tutti couronné par les accords de l’orgue, ou, à la porte suivante, être gagné par la mélancolie du « lac de larmes », à lui seul l’un des sommets de toute la littérature symphonique. Esa-Pekka Salonen, qui dirige l’Orchestre de Paris, et Josep Pons, avec son Orchestre du Grand Théâtre du Liceu de Barcelone, sont de parfaits connaisseurs de l’œuvre, qu’ils ont dirigée tant sur scène qu’au concert, et les distributions sont de tout premier ordre : Nina Stemme et Gerald Finley à la Philharmonie, Aušrinė Stundytė et Bryn Terfel à l’Opéra Bastille.

Jean-Guillaume Lebrun