Dom Juan ou Le Festin de pierre
Comédie-Française / de Molière / mes Jean-Pierre Vincent
Publié le 28 octobre 2014 - N° 225D’une fidélité à Molière qui sert magnifiquement le texte, Dom Juan est remis cette saison à l’affiche de la Salle Richelieu.
Pour entendre dans son plus grand respect cette sublime charge de Molière couronnant l’œuvre critique entreprise avec L’Ecole des Femmes et Tartuffe, on ne saurait mieux faire. L’académisme de ce Dom Juan cultive néanmoins les paradoxes jusqu’au hors normes. En témoigne par excellence le coup de théâtre final qui ménage un dénouement peu orthodoxe bien que fidèle dans l’esprit à l’audace facétieuse de la plus déroutante des tragi-comédies du dramaturge, imaginée pour enrober la férocité de ses attaques. La mise en scène de Jean-Pierre Vincent émancipe également le héros du libertinage et de l’impiété d’un certain nombre de traits dont on avait coutume de l’affubler pour, notamment, le rendre à sa juvénilité en choisissant un acteur jeune. Ces partis pris se fondent sur une double intention : « réaliser que la pièce se joue toujours ailleurs, sous une fausse identité, dérogeant à toutes les règles en vigueur et, en même temps, la jouer au présent, soit rendre la sensation de ce texte, sa progression concrète, sa violence toujours vivante ; il faut s’approcher d’elle et l’approcher de nous ».
Une distribution exceptionnelle
A cette ambition dialectique répond une scénographie dont le réalisme le dispute au métaphorique. De grands panneaux – dont un peint en rouge aux couleurs des flammes de l’enfer, quasi omniprésent – bougent à vue pour se ployer rapidement aux exigences atmosphériques des cinq actes de la pièce. Le plateau bordé de petits tas de galets ne sera meublé que d’éléments absolument significatifs pour servir le jeu de comédiens remarquables. L’excellent Loïc Corbery incarne Dom Juan, « petit marquis » emperruqué, tête à claques des premiers actes sensiblement métamorphosé en libre penseur engagé, lucide jusqu’à être terrifié par sa propre audace et en passe de devenir commandeur à la place du commandeur. Serge Bagdassarian interprète à merveille Sganarelle, ce valet serviteur de toutes les ambiguïtés d’un texte dont l’auteur n’a d’autres choix que d’avancer masqué. L’ardente Suliane Brahim dans le rôle d’Elvire requiert également d’être spécialement mentionnée au sein de cette distribution d’exception.
Marie-Emmanuelle Galfré
A propos de l'événement
Dom Juan ou Le Festin de pierredu vendredi 17 octobre 2014 au mardi 16 décembre 2014
Comédie-Française Salle Richelieu
5. Place Colette, 75001 Paris, France
les jours impairs à 20h30, matinées le dimanche à 14h. Durée : 2h45. Tél : 01 44 58 15 15 ou 0825 10 1680. www. comedie-francaise.fr