La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Depois do silêncio (Après le silence), entretien avec Christiane Jatahy

Depois do silêncio (Après le silence), entretien avec Christiane Jatahy - Critique sortie Théâtre Paris CENTQUATRE-PARIS
La metteuse en scène Christiane Jatahy. © Estelle Valente

Entretien / Christiane Jatahy

Publié le 25 octobre 2022 - N° 304

Troisième volet de la Trilogie des horreurs, cycle de spectacles à travers lesquels la metteuse en scène brésilienne Christiane Jatahy éclaire la réalité du Brésil contemporain, Depois do silêncio (Après le silence) nous transporte jusqu’à l’État de Bahia. Une création qui croise divers matériaux pour parler de la lutte pour le droit à la terre, le droit à la liberté et la défense de l’identité.

Qu’est-ce qui relie les trois volets de votre Trilogie des horreurs ?

Christiane Jatahy : L’idée de cette trilogie est née à la suite de l’élection de Jair Bolsonaro comme président du Brésil, en 2018. Ces trois spectacles n’ont pas seulement pour objet de parler de ce qui se passe là-bas d’un point de vue politique. Ils visent également à montrer les conséquences que cet événement a eu sur des tas de sujets de la vie quotidienne. Ces spectacles traitent ainsi des mécanismes insidieux de la montée du fascisme, mais aussi du patriarcat, de la masculinité toxique, des violences perpétrées contre la nature, contre les communautés rurales, contre les populations afro-descendantes et indigènes… Les deux premiers volets, Entre chien et loup et Before the sky falls (Avant la chute du ciel), développaient un point de vue depuis l’extérieur du Brésil. Aujourd’hui, avec Depois do silêncio (Après le silence), j’ai voulu au contraire déployer un regard depuis l’intérieur de ce pays.

Cela en croisant trois matériaux : un roman à paraître d’Itamar Vieira Junior, intitulé Torto Arado, un documentaire d’Eduardo Coutinho datant de 1984 et un film que vous avez-vous-même récemment tourné au Brésil…

CJ.: Exactement. Ce spectacle suit la trame de Torto Arado, qui raconte l’histoire réelle d’une famille vivant à Chapada Diamantina, dans l’État de Bahia. Itamar Vieira Junior a travaillé à partir de sources documentaires pour écrire cette fiction qui éclaire une situation de quasi-esclavage à travers les relations qu’entretiennent les membres de cette famille, ainsi qu’à travers les combats qu’ils mènent pour défendre leurs droits. Depois do silêncio (Après le silence) comprend aussi des extraits de Cabra marcado para morrer (Un homme marqué par la mort), un film documentaire d’Eduardo Coutinho qui revient sur les circonstances de l’assassinat de João Pedro Teixeira, le leader d’une ligue paysanne, en 1962, juste avant le coup d’état militaire qui mena à la dictature et mit un terme au tournage. Ce n’est qu’en 1984 qu’Eduardo Coutinho put enfin finaliser son film, en retournant auprès de la famille de João Pedro Teixeira pour continuer de raconter cette histoire. Quant au film que j’ai moi-même réalisé, il suit le même dispositif. Je suis allée, avec mon équipe, à la rencontre de la communauté auprès de laquelle Itamar Vieira Junior a travaillé pour écrire son livre afin qu’elle me raconte, à moi aussi, les faits qui ont inspiré l’écriture de Torto Arado.

 « Pour moi, le théâtre est toujours politique, même quand il ne parle pas de politique. »

 À quel théâtre avez-vous voulu donner corps, à travers cet entremêlement de visions et de sources ?

CJ.: Depois do silêncio (Après le silence) commence comme une conférence qui met au jour les faits que révèlent les différents matériaux du spectacle. Trois comédiennes (ndlr, Juliana França, Lian Gaia et Gal Pereira), accompagnées d’un musicien (ndlr, Aduni Guedes), prennent en charge la narration de cette histoire. Bien sûr, c’est un théâtre qui veut dire des choses, un théâtre politique. Le théâtre est toujours politique, même quand il ne parle pas de politique. Je crois qu’il est très important, aujourd’hui, d’affirmer cette chose-là. Il s’agit également d’un spectacle qui cherche à faire naître des émotions, notamment en générant des liens et des possibilités d’échange entre les actrices qui sont sur scène et les publics qui sont dans la salle. Pour moi, fondamentalement, le théâtre est cet espace au sein duquel cette relation entre les interprètes et les spectateurs peut avoir lieu.

Que représente, pour vous, l’association intime, au sein de votre théâtre, de l’art dramatique et des images filmées ?

CJ.: Le cinéma est un moyen, je crois, très intéressant pour enrichir la dramaturgie, pour compléter les outils qu’offre le plateau de théâtre. J’ai toujours travaillé en m’appuyant sur ces deux espaces, sur ces deux univers, qui sont finalement comme les deux jambes de l’artiste que je suis.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

 

A propos de l'événement

Depois do silêncio (Après le silence)
du mercredi 23 novembre 2022 au vendredi 16 décembre 2022
CENTQUATRE-PARIS
5 rue Curial, 75019 Paris

Du mardi au jeudi à 20h, les vendredis et samedis à 19h et les dimanches à 18h. Relâche exceptionnelle le dimanche 27 novembre. Spectacle en portugais, surtitré en français. Durée de la représentation : 1h50. Tél. : 01 44 85 40 40. www.theatre-odeon.eu

Egalement du 9 au 11 février 2023 - Schauspielhaus à Zurich (Suisse), les 26 et 27 avril - Espaces Pluriels à Pau, du 4 au 6 mai - Théâtre Populaire Romand à La Chaux-de-Fonds (Suisse), les 11 et 12 mai - Centre dramatique national Besançon Franche-Comté, du 16 au 18 mai - Piccolo Teatro di Milano – Teatro d’Europa (Italie), du 23 au 26 mai - Théâtre National Populaire à Villeurbanne.

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