Les Ballets de Monte-Carlo saison 2021/2022, une création mondiale de Jean-Christophe Maillot
Avec un programme (en partie) shakespearien, [...]
Danse - Critique /Création 2021-Tournée en cours
Angelin Preljocaj présente bientôt au Centquatre son réjouissant Deleuze / Hendrix.
Après un étrange et bref prélude qui voit en clair-obscur un penseur gymnaste réaliser moult tractions, huit interprètes s’emparent du plateau alors que retentit Purple Haze de Jimi Hendrix. Leur danse est libre, joyeuse, jubilatoire. Tandis qu’ils s’écroulent au sol, Gilles Deleuze prend le relai avec une de ses leçons sur Spinoza. À la guitare survoltée de l’un, succède la voix si caractéristique de l’autre. « Nous expérimentons que nous sommes éternels. » Les corps se relèvent, se meuvent en une lente ronde ramassée. « Il existe trois genres de connaissance. » Ils grimpent, roulent les uns sur les autres. Puis Hendrix à nouveau et quatre étreintes langoureuses. « Vous avez un ensemble infini de parties extensives sous le rapport viande, sous le rapport chien, sous le rapport moi. Et tout ça tourbillonne ». Ils sont portés contre un mur-tableau noir, leurs silhouettes soulignées à la craie. Keith Haring s’invite dans notre imagination. « Je suis détruit par plus fort que moi. C’est le risque de l’existence. » À moins que la police ne soit en train d’entourer des cadavres sur le bitume. Puis Hendrix, puis Deleuze.
Woodstock et l’Université de Vincennes
Mais avant que cette succession de l’un et de l’autre, malgré la beauté des mouvements et la qualité de leurs interprètes, ne devienne lassante, le silence envahit l’espace et les pieds claquent le sol, les mains claquent les cuisses, dans une danse rythmée, rigoureuse, qui accélère le tempo dans un parfait ensemble. Plus tard, alors qu’il est question d’âme et de Dieu, c’est la Partita n°2 de Bach qui vient nous surprendre pour un superbe duo que Matt Emig partage avec la magnifique Clara Freschel. Si associer Hendrix et Deleuze pour en faire une partition pouvait paraître incongru et risqué, Angelin Preljocaj relève pleinement le défi. À la spontanéité chaotique de Woodstock répond l’idéal de démocratisation des savoirs de l’Université de Vincennes, à la sensualité débridée des corps répond un désir de transcendance exalté par l’Éthique de Spinoza. Un vent de liberté caractéristique des années hippies souffle avec bonheur sur la rigueur de sa grammaire, qui sait aussi bien embrasser l’érotisme du musicien que la pensée du philosophe.
Delphine Baffour
Vu au parc Jourdan dans le cadre du festival Un air de danse #1, 13100 Aix-en-Provence. Tél. 04 42 93 48 14. www.preljocaj.org. Durée : 1h05.
Également les 15 et 16 octobre au Rive Gauche, Saint-Étienne-du-Rouvray. Et, dates à confirmer, les 12 et 13 octobre au Théâtre Astrée, Université de Lyon 1, le 20 novembre à La Chaudronnerie, La Ciotat, du 25 au 27 mars au Pavillon Noir, Aix-en-Provence, les 30 et 31 mars à la Scène de Recherche, ENS Paris-Saclay.
Avec un programme (en partie) shakespearien, [...]