Le pianiste Dmitry Masleev propose un copieux florilège de musique russe
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Mis en scène par Jean Bellorini pour l’ouverture de la saison du théâtre de Caen, l’opéra biblique de Charpentier David et Jonathas est revisité au travers de la mémoire traumatique de Saül, que reconstituent les bribes d’un monologue écrit par Wilfried N’Sondé. Cette réinvention de la tragédie latine – perdue – jouée en même temps que l’opéra lors de la création au lycée Louis-le-Grand, accompagne la respiration dramaturgique d’une partition magnifiée par Sébastien Daucé et son ensemble Correspondances.
Certains spectacles n’expriment pas immédiatement la beauté qu’ils recèlent. En levant le rideau sur une cellule d’asile ou de prison où est enfermé un vieil homme en haillons, la mise en scène de Jean Bellorini part d’une réalité blafarde. Le drame de Saül, dont l’hybris militaire a condamné son fils Jonathas à la mort, est relu au travers de l’amnésie ressassant ce trauma. Sur l’hébétude du roi déchu – incarné par un Jean-Christophe Lanièce investi – veille la Reine des oubliés, telle une nourrice. La voix d’Hélène Patarot, sur scène et en voix off, interpelle la conscience de Saül. Jalonnant l’opéra, le texte de Wilfried N’Sondé, ramené à une saisissante économie de mots, recompose le récit comme un cauchemar où reflue le remords refoulé. Cette passerelle de réclusion va ensuite, au gré de la narration, disparaître dans les cintres ou en redescendre, rythmant une traversée psychologique où le songe et l’action passée se confondent : en prenant sens dans une rumination obsessionnelle, cette brutalité triviale se transforme et tisse, au fil du spectacle, une émotion esthétique.
Une musique bouleversante jusqu’aux confins du silence
Sous des éclairages calibrés avec autant de justesse que l’insertion des séquences parlées dans le tissu musical, la scénographie de Véronique Chazal réserve une belle variété de tableaux, dont la puissance suggestive est rehaussée par les costumes de Fanny Brouste, et surtout les masques, perruques et maquillages de Cécile Kretschmar. Les relents d’humour noir de l’invocation de la Pythonisse – Lucile Richardot, qui projette l’horreur de la prophétie avec une admirable homogénéité vocale – dans un antre peuplé de squelettes portés à bout de perche contrastent avec l’épure des adieux entre David et Jonathas, et plus encore à l’heure du dernier souffle du fils de Saül, sur les arpèges bouleversants du théorbe de Thibaut Roussel, aux confins du silence. Quant à la scène finale et sa fosse aux allures d’armée en terre cuite de Xi’an, elle résume toute l’ambivalence tragique du triomphe de David. À la tête de son ensemble Correspondances, Sébastien Daucé magnifie les couleurs et la vitalité expressive de la musique de Charpentier, qui soutiennent les deux rôles éponymes dont les serments sont menacés par les manœuvres du Joabel mordant d’Etienne Bazola. Si l’entrée de David est d’une difficulté assez ingrate, Petr Nekoranec se distingue par la ferveur du sentiment, aux côtés du Jonathas idéal d’innocence de Gwendoline Blondeel, à la pureté de timbre rayonnante. Dans cette concentration sur la dialectique entre l’amour et la guerre, colonne vertébrale du théâtre antique comme de la tragédie lyrique, ce David et Jonathas réinvente sa force édifiante originelle.
Gilles Charlassier
à 18 heures, théâtre de Caen, 135 boulevard Maréchal Leclerc, 14000 Caen. Tél. : 02 31 30 48 00.
Du 14 au 18 janvier 2024 à l'Opéra national de Lorraine, 1 rue Sainte-Catherine, 54000 Nancy. Tél. : 03 83 85 33 11. Les 18 et 19 mars 2024 au Théâtre des Champs Élysées, 15 avenue Montaigne, 75008 Paris. Tél. : 01 49 52 50 50. Les 26 et 28 avril 2024 à Théâtres de la Ville de Luxembourg, 1 boulevard Robert Schuman 2525 Ville-Haute Luxembourg. Tél. : +352 47 96 39 00.
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