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Avec ce premier opéra créé à Nantes en octobre 2022, le compositeur Philippe Leroux opère une véritable révélation lyrique de l’œuvre de Claudel. Une réussite parfaite, à ne pas manquer au Théâtre du Châtelet.
La poésie de Paul Claudel est pleine d’images sonores. C’est en particulier le cas pour L’Annonce faite à Marie dont le titre même évoque la prière – et la sonnerie – de l’angélus. On les entendra, ces cloches, au long des quatre actes (et un prologue) de l’opéra, qui suit fidèlement le déroulement de la pièce que Claudel a remaniée pendant près de cinquante ans. On les entendra, mais jamais dans un geste naturaliste, transfigurées en une ombre sonore planant au-dessus des personnages. Philippe Leroux s’inscrit dans une lignée de compositeurs qui explorent le son – celle de Debussy (Cloches à travers les feuilles) ou de Michaël Levinas (Cloche fêlée) – et c’est par cette exploration qu’il révèle ici le caractère des personnages, leur psyché aussi bien que leur rapport au monde. La question de l’écoute – de l’autre, de la nature, de sa foi – est centrale dans le « mystère » de Claudel et Philippe Leroux conduit le spectateur à tendre l’oreille. Alors, avec Anne Vercors, le maître de maison, il entendra de la trompette de l’ange, « la trompette sans aucun son que tous entendent » et qui l’appelle en Terre sainte : et la trompette, s’affirmant au-dessus de l’orchestre, irradie toute la fin de la scène – c’est une exaltation musicale, certainement pas une illustration littérale ! On entendra aussi la voix même du poète, reconstituée par l’informatique musicale de l’Ircam, comme s’il réinventait inlassablement, dans l’instant, le mystère qui se déroule devant nous.
Des ressources expressives rarement entendues sur une scène lyrique
La force du compositeur – et ce qui fait la réussite parfaite de cet opéra, récompensé du Grand Prix du Syndicat de la Critique en 2023 – c’est de ne jamais déposer les armes d’exigence de son écriture, toujours vive, inventive, en transformation permanente. Les jeux sur la texture, la dynamique, le rythme, les répétitions demandent à l’orchestre – à peine une dizaine de musiciens – une interprétation à la fois minutieuse et enflammée, d’où s’envolent de splendides interludes et quelques cadences solistes époustouflantes. Après l’Ensemble Cairn lors de la création à Nantes, ce sera l’Ensemble Intercontemporain dirigé par Ariane Matiakh. Philippe Leroux a depuis longtemps fait transiter cette écriture virtuose des instruments vers les voix ; VOI(REX), œuvre déjà ancienne (2002), s’appuyant aussi sur les ressources de l’Ircam, en est une démonstration concentrée, toujours valide aujourd’hui. Apporter ce bagage à l’opéra est, mine de rien, une révolution : il dote chaque personnage de ressources expressives rarement entendues sur une scène lyrique, tout en traduisant précisément les effets d’accélération du texte ou, par exemple, la « dissonance » des personnages (la voix « bruitée » de Mara la distingue de sa sœur Violaine autant que la couleur de ses yeux). Et, de fait, les solistes s’emparent de ce cadeau : Raphaële Kennedy mène Violaine de l’énergie juvénile au souffle de la mort avec une présence vocale et scénique inaltérable, face à Sophia Burgos, tour à tour sombre ou incandescente. Tous contribuent à faire de chaque scène un tableau saisissant : Marc Scoffoni, qui campe un Anne Vercors résolu dans le duo avec sa femme Elisabeth (Els Janssens Vanmunster, impeccable dans ses changements de ton) mais aussi Charles Rice (Jacques Hury, prétendant de Violaine) et Vincent Bouchot (en Pierre de Craon, le lépreux, instrument du miracle de Violaine). Concentrée sur les personnages, tout en ouvrant le plateau par des échappées vidéo dans les forêts du Tardenois, la mise en scène de Célie Pauthe accompagne fidèlement la musique de Philippe Leroux dans ce voyage claudélien, avec force et simplicité.
Jean-Guillaume Lebrun
les mercredi, vendredi, mardi à 20h, le dimanche à 15h. Tél. : 01 40 28 28 40. Durée : 2h30. Spectacle vu au Théâtre Graslin à Nantes.
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