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Jazz / Musiques - Entretien

Création / Banlieues Bleues

Création / Banlieues Bleues - Critique sortie Jazz / Musiques
Légende Photo © DR: La palestinienne Kamilya Jubran, connue pour sa participation à Sabreen puis pour ses créations plus expérimentales, a grandi à l’écoute de l’astre de l’Orient.

Publié le 10 mars 2012 - N° 196

SUR LES TRACES D’OUM KHALSOUM

La oudiste Kamilya Jubran s’est chargée du casting de cette création en hommage à la Quatrième pyramide égyptienne.

Comment avez-vous découvert Oum Khalsoum ?

Kamilya Jubran : C’est la première porte par laquelle je suis entrée en musique, au milieu des années 60. J’étais trop petite pour comprendre tout ce qui se tramait dans ses chansons d’amour. Deux fois par mois, le jeudi, mon père et ma mère me faisaient écouter ces chansons sur “La voix des Arabes“, la radio égyptienne. Après, mon père prenait le oud. C’est ainsi que j’ai appris ce répertoire. A l’époque, nous vivions en Galilée. 

Pour la communauté arabe, la voix d’Oum Khalsoum représentait plus qu’une simple chanteuse d’amour…

K. J. : Bien entendu, elle a aussi interprété des chansons patriotiques, nationalistes, pour le roi Fouad et puis après pour Nasser. C’était déjà un engagement en soi, un acte de résistance : Nasser représentait alors le symbole de l’identité nouvelle arabe. Pour des gens comme mon père, il était l’espoir de notre liberté.

 « Oum Khalsoum était plus qu’un phénomène musical, c’était une star. »

Avez-vous eu la chance de pouvoir voir Oum Khalsoum sur scène ?

K. J. : Jamais ! Nous étions coupés de nos voisins arabes. Il a fallu attendre les accords de paix avec l’Egypte, en 1978. Oum Khalsoum était déjà décédée depuis trois ans. Je me souviens encore du jour de sa mort : c’était un drame pour notre communauté.

Comment expliquez-vous son succès ?

K. J. : Il y a un avant et un après Oum Khalsoum. Elle a su utiliser les meilleurs compositeurs, les meilleurs oudistes et les meilleurs auteurs, puis très vite elle a incarné la renaissance de la musique arabe. Oum Khalsoum a appris le chant avec de grands maîtres, tous formés dans la musique religieuse. Elle connaissait l’art de la récitation du Coran, qui pose les codes de la musique classique. Elle a travaillé avec son maître Cheikh Abou El Ala Mohamed les cérémonies rituelles en Egypte, qui nécessitent des qualités exceptionnelles en termes de voix. Si elle a bénéficié de toutes ces influences, Oum Khalsoum était plus qu’un phénomène musical, c’était une star. 

Reprendre son répertoire, c’est donc un défi. Comment l’abordez-vous ?

K. J. : On peut coller à ses versions, au risque d’être rattrapée par l’originale… Mais se différencier n’est pas pour autant une voie aisée. Que dire de plus ? C’est un réel challenge. D’ailleurs, je l’ai chantée adolescente, dans le cadre privé, mais jamais plus tard sur scène. C’est tout à fait inédit pour moi. Pour cette création, il s’agit de raconter à travers son répertoire l’histoire de cette icône. C’est pour cela que le spectacle ne repose pas que sur moi. J’ai fait un casting de voix capables d’incarner les différentes époques d’Oum Khalsoum, chacune avec ses qualités. Aicha Redhouane est une spécialiste des musiques classiques, tandis que Ghania Benali est plus proche des années 60. Moi-même, j’interpréterai par exemple une chanson des années 20, seule avec un oud. Sans ornementation, le plus épuré possible… Je vais aussi reprendre un thème de Sayed Darwish, le grand chanteur qui a précédé Oum Khalsoum. Parce qu’il est indirectement une de ses grandes influences.

Pas d’electro donc ?

K. J. : Pas du tout. Je n’ai jamais eu envie de « moderniser » le répertoire ancien avec ce type de procédé, qui me semble plus propice à mes propres créations. En revanche, un groupe de jazz et un ensemble de musique contemporaine participeront, chacun une vingtaine de minutes, pour montrer l’écho qu’Oum Khalsoum a eu à l’international. Elle dépassait largement le cadre de l’Orient, et il me semblait intéressant d’entendre comment son art avait été perçu par des oreilles occidentales. Pour que le portrait soit vraiment complet.

Propos recueillis par Jacques Denis


Dimanche 25 mars à 17h00 / au Forum du Blanc-Mesnil (93). Places : de 7 à 16 €. Infos : 01 49 22 10 10

A propos de l'événement

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