La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2013 - Gros Plan

Cour d’honneur

Cour d’honneur - Critique sortie Avignon / 2013 Avignon COUR D'HONNEUR DU PALAIS DES PAPES
© Hermann Sorgeloos

Cour d’honneur du Palais des Papes / conception Jérôme Bel

Publié le 27 juin 2013 - N° 211

Jérôme Bel nous invite au plus fascinant des voyages dans l’histoire des arts de la scène : celui qu’invente la mémoire de chaque spectateur. 

De tous les arts, la danse est peut-être le plus éphémère : ne laissant bien souvent derrière elle ni partition, ni texte, l’œuvre chorégraphique parie sur le seul moment de la performance pour inscrire – ou ne pas inscrire – une trace dans l’histoire. Ce n’est donc sans doute pas un hasard si les artistes de la danse posent avec acuité la question du rapport au passé, au patrimoine et à la mémoire. Parmi les plus belles, et les plus étonnantes, propositions chorégraphiques des dernières années, on trouve ainsi des œuvres dont l’objet même est le souvenir. En 2003, Olga de Soto, avec ses fascinantes histoire(s), nous livrait les savoureux témoignages filmés des premiers spectateurs du Jeune homme et la mort, auxquels elle avait demandé de relater leurs souvenirs de ce ballet de 1946. Images d’une folle précision, hésitations, reconstructions mémorielles nous invitaient à pénétrer dans l’intimité de ces souvenirs de danse – tout en révélant l’impact que peut avoir un événement artistique à l’échelle d’une vie. Quelques années plus tard, Rita Quaglia, dans Hypothèse de réinterprétation (2009), cherchait à faire vivre en nous le souvenir d’une pièce que nous n’avions sans doute pas vue, et dont elle ne dévoilait ni le titre, ni l’auteur : la poésie de son évocation mettait en évidence, dans le même mouvement, la mémoire et l’oubli, la trace et la perte.

Quand la Cour d’honneur regarde Cour d’honneur

Jérôme Bel se saisit à son tour du thème du souvenir. Rappelons que pour cet enfant terrible de la danse – dont il contribue amplement à brouiller les frontières –, l’interrogation des modes de représentation du théâtre occidental est une obsession : depuis Nom donné par l’auteur (1994), il en met les codes à nu, avec autant d’exigence que de jubilation. Dans ce cadre, la question du souvenir est pour lui l’occasion de disséquer le statut du public : il revendique ici l’acte fort, et politique, qui consiste à mettre au centre de la scène, dans l’espace on ne peut plus symbolique qu’est la Cour d’honneur du Palais des Papes, non seulement de grands interprètes, mais aussi un groupe de spectateurs. Âgés de onze à soixante-dix ans, de professions et d’états divers, ils témoigneront de leurs expériences au théâtre, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Un dispositif qui tient aussi du miroir, pour les spectateurs invités à regarder des spectateurs, eux-mêmes contemplant leurs souvenirs de spectateurs : quand la Cour d’honneur regarde Cour d’honneur, c’est une mémoire collective du spectacle vivant que Jérôme Bel nous invite à construire. Avec, à la clé, une double question fondamentale : quelle place pour le spectateur dans l’œuvre d’art – et quelle place pour l’art dans l’existence et la mémoire d’un public ?

 

Marie Chavanieux

A propos de l'événement

Cour d’honneur
du mercredi 17 juillet 2013 au samedi 20 juillet 2013
COUR D'HONNEUR DU PALAIS DES PAPES
place du Palais des papes, 84000 Avignon

Festival d'Avignon. Cour d’honneur du Palais des Papes. Du 17 au 20 juillet à 22h. Tél. 04 90 14 14 14.
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