Gros-câlin
Jean-Quentin Châtelain porte avec tendresse [...]
Habitué des textes non théâtraux, le metteur en scène Joris Mathieu présente Cosmos, de Witold Gombrowicz, au Théâtre Le Monfort (en partenariat avec le Théâtre de la Ville). Un spectacle qui sombre dans l’apathie et la noirceur.
Affirmons-le d’emblée, la fidélité à un texte, à sa composition bien sûr, mais également dans une certaine mesure à son esprit, n’est pas un absolu. Pourquoi ne pas admettre qu’un metteur en scène puisse réinventer une œuvre, l’éclairer de façon nouvelle, au besoin la déformer, s’il s’agit par là de donner naissance à une autre création – forte, frappante, nécessaire ? Des poètes du plateau en viennent parfois à trahir certains textes, à les maltraiter avec un talent et une pertinence qui ne font pas regretter une démarche plus orthodoxe. Car ces artistes nous transportent ailleurs. Nous élèvent. Nous ouvrent les voies d’univers de théâtre dont les qualités justifient, à elles seules, les libertés qu’ils s’autorisent. Ainsi, le fait que l’adaptation du roman Cosmos signée par la compagnie Haut et Court prenne ses distances avec l’humour, la dérision si particulière, le tranchant, l’esprit profondément facétieux et paradoxal de Witold Gombrowicz pourrait ne pas embarrasser si la mise en scène de Joris Mathieu parvenait à combler ces manques.
Une vision kafkaïenne du roman de Gombrowicz
Mais ce n’est pas le cas. La représentation qui nous est proposée nous enferme, une heure et vingt minutes durant, au sein des champs obscurs et fantomatiques d’un monde sans véritable souffle, d’un monde dont la noirceur siérait sans doute mieux à l’œuvre de Kafka qu’à celle de Gombrowicz. Se cantonnant à une veine dépressive, le ton du narrateur « donne le la » d’un spectacle sérieux et monotone. L’ennui, très vite, s’installe. Sonorisés, accompagnés d’une création sonore (signée Nicolas Thévenet) qui en rajoute encore dans le côté funèbre, les interprètes (Philippe Chareyron, Vincent Hermano, Franck Gazal, Rémi Rauzier, Marion Talotti, Line Wiblé) peinent à mettre en mouvement notre imaginaire. Les tableaux visuels, certes, sont beaux (la scénographie est de Nicolas Boudier et Joris Mathieu, les vidéos de Loïc Bontems et Siegfried Marque), mais insuffisamment consistants pour se suffire à eux-mêmes. Sans le génie de Gombrowicz, sans la puissance d’une mise en scène qui pourrait réinventer la lecture de Cosmos, cette tentative d’adaptation nous laisse sur notre faim.
Manuel Piolat Soleymat
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