Comme tu me veux de Luigi Pirandello, mise en scène de Stéphane Braunschweig
de Luigi Pirandello / mes Stéphane Braunschweig
Publié le 16 décembre 2020 - N° 289Le directeur du Théâtre de l’Odéon signe la traduction, la mise en scène et la scénographie de la pièce de Luigi Pirandello. Un texte à l’atmosphère décadente dans une Europe qui danse au bord de l’abîme – si proche de nous.
C’est à Berlin que Luigi Pirandello s’exile avec sa muse Marta Alba en 1928, alors que son Teatro d’Arte di Roma connaît des difficultés financières et artistiques et que l’auteur fait moins confiance à l’appui de Mussolini. C’est encore là qu’il écrit Ce soir on improvise, puis, un an plus tard, qu’il commence et situe le premier acte de Comme tu me veux, la seule pièce de son théâtre localisée, même partiellement, hors d’Italie. Dix ans après la fin de la Première Guerre mondiale, le personnage principal est une sorte de Lulu, à la fois danseuse de cabaret berlinois et maîtresse d’un écrivain. Un photographe italien se persuade qu’elle est Lucia, l’épouse de son ami Bruno, une femme qui a disparu dix ans plus tôt sans laisser de traces pendant l’invasion de la Vénétie par les troupes austro-hongroises. L’Inconnue refuse de se reconnaître comme Lucia, mais finit par rejoindre Bruno en Italie sans que l’on sache si elle est vraiment sa femme ou si elle joue un rôle. Là-bas, elle comprend que son « mari » a tout intérêt – pour des questions d’héritage – à la considérer comme vivante. Elle se rend compte qu’elle a fui un monde qui la dégoûte pour un monde plus abject encore, et se révolte.
La plus européenne des pièces de Pirandello
Dans cette pièce considérée comme la plus européenne de Pirandello, mais rarement montée (Giorgio Strehler en 1988 à l’Odéon, quand même), l’écrivain sicilien s’intéresse aux traumatismes de la Première Guerre mondiale, au moment où le nazisme monte en Allemagne et le fascisme triomphe en Italie. Cette société qui ferme les yeux sur la barbarie par intérêt, Stéphane Braunschweig la trouve parfois proche de la nôtre « qui pense que le fascisme est seulement pour les autres et continue de refouler ce qui la dérange au risque de laisser les extrémismes envahir nos démocraties ». Si Pirandello n’a pas forcément perçu toute la portée du nazisme, il a bien compris que l’art et le fascisme étaient incompatibles. Comme dans Les Géants de la montagne, conçu à la même époque que Comme tu me veux, il considère toutefois qu’il reste deux issues possibles : la folie ou l’art. En ces temps de crise sanitaire et économique, de vagues de confinement et de déconfinement, ces deux voies nous paraissent d’une troublante actualité.
Isabelle Stibbe
A propos de l'événement
Comme tu me veux de Luigi Pirandello, mise en scène de Stéphane Braunschweigdu vendredi 15 janvier 2021 au mercredi 17 février 2021
Odéon-Théâtre de l’Europe
place de l’Odéon, 75006 Paris
Du 15 au 19 janvier à 18h, relâche exceptionnelle le dimanche 17 janvier, du 20 janvier au 17 février à 20h du mardi au samedi, à 15h les dimanches. Tél. : 01 44 85 40 40. Durée estimée : 2h10.