La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Cléopâtre in love de Christophe Fiat, mise en scène par Claire Ingrid Cottanceau, Christophe Fiat et Judith Henry

Cléopâtre in love de Christophe Fiat, mise en scène par Claire Ingrid Cottanceau, Christophe Fiat et Judith Henry - Critique sortie Théâtre Montreuil Nouveau Théâtre de Montreuil

texte de Christophe Fiat / mes Claire Ingrid Cottanceau, Christophe Fiat et Judith Henry

Publié le 1 février 2019 - N° 273

Performance historico-pop, Cléopâtre in love pêche par cette désinvolture qui fait aussi sa qualité.

De tout l’or des pharaons aux paillettes du show-biz, il n’y a qu’un pas, allègrement franchi par Cléopâtre. C’est au travers des distorsions de l’Histoire et d’une icône pour l’éternité, depuis son incarnation par Liz Taylor dans le film de Joseph Mankiewicz, que Christophe Fiat a choisi d’approcher la figure de la dernière reine d’Egypte. Une enquête à travers le temps, dont le rendu n’a rien d’universitaire. Naviguant entre apports historiques précis, chansons pop, potins de stars et archives en latin, Cléopâtre in love propose en effet un bric à brac hétéroclite porté sur scène par Judith Henry, qui se balade entre couvertures de survie, ventilos, et faisceaux de lumière pyramidaux. Mi-Liz, mi-Cléo, mi Judith et mi-toutes les femmes à la fois, elle suit le cours sinueux de l’écriture simple et directe de Fiat, qui, par ailleurs, l’accompagne discrètement sur scène. Par cet assemblage baroque, le spectacle propose à la fois d’appréhender la fabrique de l’Histoire et de créer une figure de Cléopâtre bien différente de celle glamour et vénéneuse qu’a produite notre culture occidentale. Est-elle ainsi plus réelle ? Plus fictionnelle ? En tout cas, plus humaine, moins caricaturée, dans l’interprétation sensible que délivre Judith Henry.

Un machisme de tous âges

Car ce que donne à voir Cléopâtre in love, c’est bien avant tout comment nos sociétés maltraitent les femmes en les assignant à des rôles figés, façonnés par un machisme de tous âges, des représentations de l’Empire romain à celles de la société de consommation moderne en passant par les affres de la femme chrétienne. Aucun didactisme pour autant dans cette entreprise, un certain relâchement dans le ton plutôt, via une distance ironique récurrente dans l’écriture, un mélange des registres qui les met tous à égalité et ce format de la performance qui donne dans le présent plus que dans la théâtralité. Agréable, cette désinvolture qui signe fortement le style du spectacle en constitue peut-être aussi une limite. Quand il s’agit de se prendre un peu au sérieux ou de passer par l’émotion, Cléopâtre in love rame telle une galère romaine et ne parvient pas à se départir de cette distance un rien branchée qui la dessert. Certains moments touchent juste pourtant, comme le récit de la mort des deux amants, digne de celle de ses successeurs de légende, Pyrame et Thisbé, ou Roméo et Juliette… Mais à l’instar de ce refrain rock qui conclut le spectacle en forme de « message à toutes les femmes » : « Si la vie vous crame/ne renoncez jamais à vos désirs », la parole simple et directe y court le risque de tomber à plat.

Eric Demey

 

A propos de l'événement

Cléopâtre in love
du mercredi 30 janvier 2019 au vendredi 22 février 2019
Nouveau Théâtre de Montreuil
salle Maria Casarès, 63 rue Victor Hugo, 93100 Montreuil.

à 20h. Relâches du samedi au mardi. Tel : 01 48 70 48 90. Durée : 1h20.

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