La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Chunky Charcoal

Chunky Charcoal - Critique sortie Théâtre
Chunky Charcoal écrit et interprété par Sébastien Barrier. CR : Nicolas Joubard

En tournée / Sébastien Barrier

Publié le 21 décembre 2015 - N° 239

Après Savoir enfin qui nous buvons qui avait fait grand bruit, le performeur conteur Sébastien Barrier présente sa dernière création, Chunky Charcoal, qui met la parole à l’honneur.

Chunky Charcoal, c’est le nom de ces craies noires avec lesquelles Benoît Bonnemaison-Fitte écrit dans le dos de Sébastien Barrier. Sur un large panneau blanc, le graphiste reprend les mots du performeur au vol. En ligne, en colonne, en blocs, en rhizomes, il les rassemble, les disperse, les éclate, déployant ainsi une vaste fresque murale, noir sur blanc, qui rappelle les graffitis de Basquiat. A ce simple exemple, on devine le caractère particulier du spectacle Chunky Charcoal. Sébastien Barrier, artiste associé au Grand T de Nantes, vient du cirque. Il avait créé Ronan Tablantec, un personnage bonimenteur, qu’il a incarné plus de 600 fois (et dont il raconte drôlement la mort dans Chunky Charcoal). Ancien membre du GdRA, il s’est fait connaître aussi en 2013 avec Savoir enfin qui nous buvons, un spectacle fleuve – il durait environ sept heures – autour du vin et des vignerons. On l’imagine donc bien, Barrier a la parole abondante, le verbe prolifique, lyrique. Comme un torrent qu’il régule, comme si les mots lui préexistaient et qu’il ne faisait que les transmettre, Sébastien Barrier laisse ainsi jaillir de son grand corps microté des récits rapides et drus, qu’il ralentit parfois, et accompagne de la musique de Nicolas Lafourest à la guitare électrique à la fois atmosphérique et rugueuse, jusqu’à en faire chanson. Dans son écriture, la parole est tout à tour légère et grave, comique, poétique, existentielle, émouvante, anecdotique…

Coq à l’âne et association d’idées

Puisqu’il s’agit de craies de charbon, tout commence à Calais, pas loin des mines, puis nous transporte en Bretagne, en banlieue parisienne, au gré des résidences et spectacles de Sébastien Barrier. C’est le coq à l’âne et l’association d’idées qui font rebondir d’un lieu à l’autre. Difficile de résumer ce qui ne constitue pas une histoire. Le tout est maillé de pertes et d’apparitions, comme celle du chat We-We, qui vient sur scène faire son petit numéro, étendu raide sur le dos. A travers ce flot ininterrompu, le spectateur se cherche des fils et se dessine une image de Sébastien Barrier, drôle, mélancolique, à la fois en distance et cherchant à faire communauté. Mais c’est la parole en elle-même qui devient surtout l’objet du spectacle. Comme les trois comparses de sombre vêtus, dont l’ombre danse sur le panneau blanc du fond, tout, jusqu’à l’homme, devient signe. Le sens se fait son, la parole devient l’unique réalité matérielle d’un monde habité par la perte. Barrier termine son spectacle avec Georges Perros, poète méconnu de sa région natale. Avec les Chunky Charcoals, outils quasi préhistoriques, s’est dessinée dans son dos une véritable fresque pariétale. Depuis toujours, les mots des autres nous constituent et forment l’essentiel de ce que nous laisserons.

Eric Demey

A propos de l'événement

Chunky Charcoal
du mardi 2 février 2016 au samedi 21 mai 2016


En tournée. Du 2 au 6 février au Grand T à Nantes, le 13 à Aubergenville, les 16 et 17 au 104, les 19 et 20 au Monfort, le 22 mars à l'Agora d'Evry, les 26 et 27 avril à Chambéry, le 21 mai à Ste-Maure de Touraine. Spectacle vu au théâtre Garonne à Toulouse. Durée  : 1h30

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