La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Christophe Rauck / Le désir est pouvoir

Christophe Rauck / Le désir est pouvoir - Critique sortie Théâtre Lille Théâtre du Nord
Crédit photo : Larissa Guerassimtchouk Légende photo : Christophe Rauck, pendant les répétitions d’Amphitryon.

Théâtre du Nord et TGP / Amphitryon / de Molière / mes Christophe Rauck

Publié le 24 avril 2017 - N° 254

Christophe Rauck met en scène Amphitryon avec la troupe des Fomenkis. Une première pour tous : le metteur en scène découvre Molière et les Russes acceptent de se laisser diriger par un autre, après la mort du maître Piotr Fomenko, disparu en 2012.

Comment s’est passée l’aventure avec les Fomenkis ?

Christophe Rauck : Comme tout grand voyage, il a connu des étapes compliquées. Les acteurs avaient vu Le Mariage de Figaro quand nous l’avions joué à Moscou et ils m’ont dit qu’ils voulaient travailler avec moi, chose qu’ils n’avaient jusqu’alors jamais proposée à un metteur en scène étranger. Comme dans toute rencontre, il y a eu des choses immédiatement évidentes et d’autres qui se sont progressivement construites. Il n’y a jamais eu d’adversité, même s’il y a eu parfois de l’incompréhension. Il a fallu parler, rassurer, travailler à ce que les acteurs comprennent le projet, très éloigné de leurs habitudes. Fomenko les laissait beaucoup parler. Leurs questions supposaient d’être très précis pour justifier les actes dramaturgiques et la direction prise.

Comment vous y êtes-vous pris ?

C.R. : En faisant référence à un Russe qui a sans doute le mieux compris Molière et ses rapports avec le pouvoir : Boulgakov, dans Le Roman de Monsieur de Molière. Les acteurs avaient beaucoup d’idées reçues : que Molière doit nécessairement faire rire et que cette pièce était une histoire d’amour. Formés par Fomenko, et donc imprégnés par la méthode de Stanislawski et les textes de Tchekhov, les comédiens envisageaient la pièce et les rapports entre les personnages de manière très psychologique. Or la psychologie ne marche pas avec Molière et un tel point de vue romantique ne faisait que rabaisser les enjeux de la pièce, qui est, fondamentalement, une pièce sur le pouvoir.

Dans quelle mesure ?

C.R. : C’est l’histoire de Jupiter qui prend l’aspect d’Amphitryon pour pouvoir avoir une aventure avec Alcmène. Mais Amphitryon revient et la confusion s’installe entre les doubles. A partir de cette histoire, Molière analyse les rapports de pouvoir et montre, de manière absolument géniale, que le désir est un rapport de pouvoir. L’histoire d’amour initiale devient très vite une histoire de jalousie, liée à l’orgueil bafoué par la perte du pouvoir. Jupiter veut posséder la femme aimée d’un autre : et on voit comment, à travers une femme, un homme essaie de conserver son pouvoir. Amphitryon est prêt à jouer son amour contre son honneur ; l’amour pour l’autre ne vaut rien face à l’amour de soi. La confrontation avec Jupiter rend Amphitryon inhumain. Il perd l’épreuve que lui impose les dieux et n’en sort pas glorieux : son amour pour sa femme succombe. Il le dit lui-même en avouant qu’il préfère la savoir folle que dans les bras d’un autre. Ce qui rend Amphitryon fou, c’est d’être dépossédé de sa passion et de devoir subir le regard que la société va poser sur lui en le découvrant cocu. Jupiter met à nu le roi : il est jaloux et épris de lui-même et de sa gloire bien davantage que d’Alcmène. Ce poids du regard social est essentiel : avec les autres, on est toujours en représentation. Et la question de la gémellité met celle de la représentation en abyme : qui sommes-nous quand quelqu’un a la même apparence que nous ?

 

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

Christophe Rauck / Le désir est pouvoir
du vendredi 5 mai 2017 au mercredi 17 mai 2017
Théâtre du Nord
4 Place Charles de Gaulle, 59800 Lille, France

Théâtre du Nord, 4, place du Général de Gaulle, 59000 Lille. Du 5 au 17 mai 2017. Mardi, mercredi, vendredi à 20h ; jeudi et samedi à 19h ; dimanche à 16h. Relâche les 7, 8 et 15 mai. Tél. : 03 20 14 24 24. TGP-CDN de Saint-Denis, 59, boulevard Jules-Guesde, 93200 Saint-Denis. Du 20 au 24 mai. Lundi, mardi, mercredi et samedi à 20h ; dimanche à 15h30. Tél. : 01 48 13 70 00. Après le spectacle, navette retour vers Paris dans la limite des places disponibles.

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