La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2010 - Gros Plan

Chouf Ouchouf

Chouf Ouchouf - Critique sortie Avignon / 2010

Publié le 10 juillet 2008

« Regarde, et regarde encore ! » chantent les douze acrobates du Groupe Acrobatique de Tanger. Après le succès de Taoub en 2004, ils remettent le couvert avec les metteurs en piste Martin Zimmermann et Dimitri de Perrot.

Ça débute comme une répétition. Devant le public, la troupe s’échauffe, esquisse quelques courses, quelques sauts, s’étire ou tente une acrobatie. Tous sont à leur affaire, à s’activer dans leur jogging, telle une équipe de foot au travail. La pièce commence-t-elle lorsque la musique est lancée et que le DJ chauffe le groupe, qu’ils dévoilent leurs costumes et s’élancent corps et âme dans des portés acrobatiques, des pyramides humaines impressionnantes ? On admire à cet instant la jeunesse, la fougue, la liberté qu’on appréciait déjà dans Taoub, l’élan commun d’une beauté fracassante. Ou commence-t-elle lorsque, plaqués au mur du fond de scène, les circassiens se retrouvent comme pris dans un étau, décontenancés dos à ce mur qui se met à avancer vers le public, presque inexorablement ? Changement d’ambiance, à la joie sans retenue succède l’inquiétude, celle de se voir pris dans un environnement oppressant, mouvant, où l’homme n’est qu’un pantin manipulé dans un milieu qui le dépasse. C’est bien là la signature des deux trublions Martin Zimmermann et Dimitri de Perrot, qui dans leur travail personnel jouent sans cesse de l’influence de l’espace sur l’homme, pris dans une scénographie-machine toujours troublante. Le mur en action va ainsi agir comme un véritable personnage, guidant les corps, mais offrant également d’infinies possibilités de jeu.
 
Des histoires qui adviennent, portées par l’espace en mouvement
 
Dans Gaff Aff, cela tournait sans répit ; dans Oper Opis, on basculait constamment… Chouf Ouchouf préfère pousser, déplacer, déstructurer l’espace. Le mur est en fait une construction de masses géantes qui se désolidarisent ou au contraire font bloc. Passés la stupeur et les cris, qui sont autant de chants que d’onomatopées animalières, les interprètes vont réorganiser leur microsociété en fonction des variations imposées de l’espace en mouvement. C’est là que vont véritablement apparaître les individualités, les personnalités, les failles, les histoires… En équilibre sur ses mains, un homme devient une bouteille plastique que l’on compresse. La vie commence à grouiller, un musicien s’installe. Une femme voilée passe. La pièce s’organise autour de moments volés au quotidien, presque intimes, et de grandes explosions, comme cette scène cocasse où tous se transforment en vendeurs de T-shirts, façon de rappeler la précarité de leur travail et tout l’intérêt du marketing. Le mur s’apprivoise, propose cachettes et surprises, se démultiplie en tours que l’on escalade, que l’on conquiert, et qui deviennent de véritables supports à acrobaties. Le répertoire gestuel et circassien n’est certes pas très étendu et se cantonne à l’acrobatie, au porté, et au trampoline. Une façon de ne pas se positionner sur un genre pour mieux apprivoiser un style, celui des Zimmermann-de Perrot, et d’affirmer la grande porosité et l’esprit d’ouverture du Groupe Acrobatique de Tanger.
 
Nathalie Yokel


Festival d’Avignon. Chouf Ouchouf de Martin Zimmermann et Dimitri de Perrot par le Groupe Acrobatique de Tanger, du 8 au 13 juillet 2010 à 22h, relâche le 11, Cour du lycée Saint-Joseph, 62 rue des Lices. Tel : 04 90 14 14 14.

A propos de l'événement


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