La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Cataract Valley d’après Jane Bowles, mis en scène par Marie Rémond et Thomas Quillardet

Cataract Valley d’après Jane Bowles, mis en scène par Marie Rémond et Thomas Quillardet - Critique sortie Théâtre Paris ATELIERS BERTHIER
© Simon Gosselin Cataract Valley aux Ateliers Berthier.

d'après Jane Bowles / mes Marie Rémond et Thomas Quillardet

Publié le 28 mai 2019 - N° 277

L’originalité, l’intelligence sensible et théâtrale de Cataract Valley sont remarquables. Cependant, le spectateur ne se laisse pas emporter.

Ce qui frappe d’entrée le spectateur de Cataract Valley est une scénographie aussi inhabituelle que somptueuse concoctée par Mathieu Lorry-Dupuy. Un paysage de forêt, avec de grands pins, des sentiers couverts d’aiguilles, d’épais rondins posés au sol, une cabane en bois, et, en guise de lever de rideau, l’apparition – comme une hallucination – d’immenses chutes d’eau qui disparaissent aussitôt, présence invisible, puissance naturelle agissante qui va aimanter le cours de l’action. Nous voici transportés à Camp Cataract, destination touristique où Harriet, qui aime la solitude, la nature et le canoë, a élu domicile. A quelques kilomètres, Sadie, sœur d’Harriet, vit chez Evy et Bert, son autre sœur et son beau-frère, qui la traitent comme une domestique. Elle décide de rejoindre Harriet à Camp Cataract.

Femmes au bord de la crise de nerfs

L’intrigue est mince, souterraine, invisible comme les forces qui semblent habiter le camp. Grondement des chutes, pluies orageuses et majesté impassible de la forêt construisent un univers propre à l’ébranlement intérieur, par l’entremise notamment de l’excellent travail sonore d’Aline Loustalot. De plus, Harriet et Sadie, les deux sœurs, sont comme deux femmes au bord de la crise de nerfs. Harriet, interprétée par Marie Rémond, toujours nerveuse, inquiète, menteuse imaginative, la voix au bord des larmes. Sadie, jouée par Caroline Arrouas, grande bécasse coincée, tourmentée, dont l’incessante retenue ne demande qu’à se fissurer. Toutes deux entretiennent un rapport compliqué aux regards extérieurs, et surtout à la relation qui les unit. Cataract Valley est adapté d’une nouvelle de Jane Bowles, écrivaine américaine dont Tennessee Williams, notamment, a loué l’immense talent. A l’instar du célèbre dramaturge, l’écriture de Jane Bowles verse moins dans le réalisme psychologique qu’elle ne s’enfonce dans les méandres des psychés tourmentées, tout en mariant l’humour et le fantastique, comme le relaient parfaitement les deux metteurs en scène. Via notamment les personnages secondaires, l’aide de camp Beryl et l’indien vendeur de souvenirs en premier lieu, qui apportent à la pièce une cocasse étrangeté. Si beaucoup d’ingrédients de la réussite sont donc réunis – intelligence de la mise en scène, qualité de l’interprétation, scénographie… -, le pari de porter au plateau cette nouvelle peine toutefois à être relevé. De longues tirades et une voix off médiatisent la plongée dans l’intériorité des deux sœurs. La situation étrange, délicatement esquissée, met du temps à se préciser. Si bien que le spectateur peine à pénétrer cet univers en suspens, reste extérieur à ce rêve éveillé, à cette inquiétante forêt, et admire les chutes plus qu’il n’y disparaît.

Eric Demey

A propos de l'événement

Cataract Valley d'après Jane Bowles, mis en scène par Marie Rémond et Thomas Quillardet
du vendredi 17 mai 2019 au samedi 15 juin 2019
ATELIERS BERTHIER
1 rue André Suarès, 75017 Paris

à 20h, le dimanche à 15, relâche le lundi, et le 2 juin. Tel. : 01 44 85 40 40. Durée : 1h30.

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