La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Casimir et Caroline

Casimir et Caroline - Critique sortie Théâtre
Sylvie Testud (Caroline) et Hugues Quester (Schürzinger) près des toboggans de la vie. Photo : Jean-Louis Fernandez

Publié le 10 janvier 2010

Via la projection sur la scène d’un grand huit magnifique, manège forain résonnant des hurlements de plaisir de ses passagers, Emmanuel Demarcy-Mota donne le vertige à Casimir et Caroline.

Ödön von Horvath écrit Casimir et Caroline en 1932, pièce visionnaire d’un certain état de l’Europe et de l’Allemagne, inflation, montée du chômage et paupérisation de la population ouvrière. Dans l’instabilité sociale et la crise économique, les amoureux Casimir (Thomas Durand) et Caroline (Sylvie Testud) hantent la Fête de la Bière à Munich. Cette Foire populaire d’Octobre invite ou plutôt incite les jeunes gens à consommer bocks de bière et glaces, tours de manège et attractions foraines, spectacle de monstres, jeu de force et cinéma ambulant. L’ivresse des sens, la provocation des postures érotiques, les airs crânes de liberté feinte que l’on joue en face de ses pareils composent une nouvelle manière de vivre pour la jeunesse frimeuse, que ce soit pour le couple fragile – le chômeur Casimir et la petite employée Caroline – ou pour la bande de marlous et de pin-up déployée sur la scène et adepte des gains scabreux issus des mauvais coups et de la prostitution. La fureur de vivre se conjugue dangereusement avec la violence des désirs et l’avidité consommatrice qui prétend satisfaire l’idée de bonheur immédiat et la recherche d’identité. Les audaces, les erreurs et l’apprentissage des excès sont l’apanage des jeunes, depuis les cités d’aujourd’hui jusqu’au Münich de 1932.

On se vend ou on paie
La mise en scène d’Emmanuel Demarcy-Mota accorde à ces générations les attraits troublants de l’inquiétude, de la vulnérabilité, de l’arrogance et de la révolte. Toboggans et montagnes russes, rien ne fait peur à qui ose se mesurer à l’aune de la reconnaissance, même pas aux « beaux » d’âge mûr, Speer et Rauch, de drôles de séducteurs à la recherche d’aventures galantes faciles et imméritées qui se mêlent sans vergogne à l’énergie authentique des bandes juvéniles et de leurs codes. Ces « bourges » dragueurs ou « vieux cons » portent sur eux une arme redoutable, le statut social et sa rémunération. D’un côté, on se vend et de l’autre, on paie. Le personnage du tailleur, Schürzinger, que joue le poétique Hugues Quester se situe à la lisière de ces deux mondes ; c’est sur lui que s’arrête le rêve d’ascension de Caroline. Après une bagarre généralisée, Casimir se console avec la copine du truand arrêté (Sarah Karbasnikoff). Le vrombissement du zeppelin au-dessus de la fête qui fait se lever majestueusement toutes les têtes comme aimantées, définit le désir exalté, la force existentielle débordée et soumise.
Véronique Hotte


Casimir et Caroline de Ödön von Horvath, traduction de François Regnault, mise en scène d’Emmanuel Demarcy-Mota, du 19 au 24 janvier 2010, du mardi au samedi 20h30, dimanche 15h au Théâtre de la Ville 2, place du Châtelet 75004 Paris tél : 01 42 74 22 77 www.theatredelaville-paris.com 
Texte publié à Actes Sud-Papiers

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