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Cabaret festif- critique

Cabaret festif, hymne à la tolérance et paillettes : « La Cage aux folles » renouvelé par Olivier Py

Cabaret festif, hymne à la tolérance et paillettes : « La Cage aux folles » renouvelé par Olivier Py - Critique sortie Classique / Opéra Paris Le Théâtre du Châtelet
Légende : La Cage aux folles mise en scène d'Olivier Py Crédit : Thomas Amouroux

Théâtre du Châtelet/Olivier Py/Comédie musicale de Jerry Hermann et Harvey Fierstein,

Publié le 6 décembre 2025 - N° 339

Le Théâtre du Châtelet place les fêtes de fin d’année sous le signe du cabaret et des paillettes avec une adaptation de  La Cage aux folles par Olivier Py, qui traduit avec des clins d’oeil contemporains l’esprit de la comédie musicale de Jerry Hermann et Harvey Fierstein, sous forme de cabaret music-hall engagé. Entouré par un enthousiaste plateau de chanteurs, danseurs et comédiens, Laurent Lafitte livre une irrésistible incarnation de Zaza, avec la complicité de l’Orchestre Les Frivolités parisiennes.

Quand il y a un peu plus de cinquante ans, Jean Poiret a monté La Cage aux folles, l’homosexualité ne pouvait se vivre, généralement, que dans les marges de la société. Si le vaudeville fut pionnier dans la mise en scène du thème, le succès auprès du grand public de cette satire non dénuée de tendresse ne manquait pas d’ambivalence. Pour la première de l’adaptation par Olivier Py de la comédie musicale que Jerry Herman et Harvey Fierstein ont tiré de la pièce une dizaine d’années plus tard, plus personne n’a besoin de se cacher, et plumes, aigrettes, et autres paillettes rivalisent d’extravagances dans cette confusion des genres festive sinon jubilatoire. Pour présenter sa version de ce triomphe de Broadway, le directeur artistique du Châtelet n’a pas hésité sur les effets. Avec la complicité des fidèles Pierre-André Weitz pour la scénographie et Bertrand Killy aux éclairages, le décor rotatif condense à merveille les deux faces de l’histoire, entre l’éclat de la scène, avec son magnifique escalier baigné de lumière éclatante, digne du Lido, et toutes les coulisses du théâtre et de la vie domestique, voire parfois de la vie urbaine. Le carton-pâte parfaitement assumé de la façade du night-club plus parisien qu’azuréen, de la plage où se prélassent les souvenirs sentimentaux de Georges, ou du troquet Chez Jacqueline, tout cela distille un réjouissant second degré qui n’étouffe pas l’émotion – au contraire. Le rire se taille évidemment une belle part dans cette Cage aux folles qui assume pleinement son identité de cabaret. Avec sa profusion d’allitérations et d’irrésistibles calembours, le texte d’Olivier Py réinvente le livret d’Harvey Fierstein et sa verve résolument engagée. Si le dramaturge français se laisse parfois aller à ses excès de faconde, la transposition contemporaine de l’intrigue, avec le député Dindon sociétaire de la Manif pour tous, renouvelle habilement le propos engagé de la comédie musicale – et le figurant en béquilles, habillé d’un tee-shirt noir sur lequel est dessiné un triangle rose, rappelle autant la discrimination nazie que celle liée à l’épidémie du sida.

Laurent Lafitte, irrésistible meneuse de revue

Plus que le renversement des normes, qui a perdu aujourd’hui de sa force subversive, c’est la charge politique qui recèle le meilleur sel, et le plus irrésistiblement mordant, du spectacle. Un peu prudent dans sa première partie chantée proche de la déclamation, Laurent Lafitte laisse ensuite s’épanouir tout l’éclat et le piquant de la meneuse de revue Zaza, avec un sourire rayonnant, à mi-chemin entre Fernandel, Henri Salvador et Karen Cheryl. Il se révèle impayable avec son numéro de chansonnier au milieu de la salle, entre allusions aux vélibs d’Anne Hidalgo et à la joaillerie clandestine de Rachida Dati, ou encore la couleur très brune du paysage politique en région Paca. Et le chant du comédien se révèle irradiant de sensibilité dans la traduction de l’iconique I am what I am. Autre fidèle d’Olivier Py, Damien Bigourdan cabotine avec gourmandise les petits et gros mensonges de Georges. Emeric Payet se glisse avec non moins d’enthousiasme comique dans les ambitions du domestique Jacob. Harold Simon a pour Jean-Michel une certaine verdeur de jeune premier, aux côtés de la tendre Anne campée par Maë-Lingh Nguyen et chaperonnée par son hystérique de mère, jusqu’à l’épilepsie mystique avec Emeline Bayart. La mutine Jacqueline de Lara Neumann, les Cagelles chorégraphiées par Ivo Bauchiero, avec quelques vignettes parodiques de diva, Maria Callas ou Sarah Bernhardt, en début de soirée, et l’orchestre des Frivolités parisiennes achèvent de faire de cette Cage aux folles, qui va sans tarder trouver son rythme de croisière, un divertissement aussi militant qu’incontournable, pour ces fêtes de fin d’année placées sous le signe de l’amour et de la tolérance.

 

Gilles Charlassier

A propos de l'événement

La Cage aux folles
du vendredi 5 décembre 2025 au samedi 10 janvier 2026
Le Théâtre du Châtelet
place du Châtelet, 75001 Paris

à 20 heures, les 6, 7, 10 , 13, 14, 20, 21, 25, 27, 28 et 31 décembre, 3, 4 et 10 janvier à 15 heures. Durée : 2h 40 avec 1 entracte. Tél. : 01 40 28 28 40.

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