La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Ça travaille encore !

Ça travaille encore ! - Critique sortie Théâtre
© BM Palazon Légende photo : La mémoire des luttes mérite le respect...

Publié le 10 avril 2010

Un spectacle musical joyeux et tendrement nostalgique sur le monde du travail, égrenant avec humour une trentaine de chansons populaires.

A l’heure où les Français viennent d’exprimer leurs inquiétudes sur leur quotidien et leur devenir économiques, à l’heure où les plus belles utopies semblent définitivement appartenir à l’Histoire, tant le désenchantement s’immisce partout, ce spectacle de Jean-Louis Paliès, épaulé par des dialogues signés Louise Doutreligne, explore avec un humour revigorant et acéré le monde du travail. Exaltant la figure du Sublime, ouvrier du XIXe siècle libertaire, exigeant et compétent, toujours prêt à claquer la porte mais amoureux du travail bien fait, le spectacle célèbre autant la mémoire d’un artisanat disparu que celle des luttes, et ici la nostalgie amusée et jubilatoire se veut constructive plus qu’amère. En témoigne l’orchestre surélevé en tribune, qui donne une place d’honneur à la musique et laisse voir le plaisir de jouer des musiciens. Le début de la pièce, situé en mars 1877, évoque l’ouvrage documentaire Le Sublime de Denis Poulot, qui a inspiré L’Assommoir de Zola, figure ô combien tutélaire.

Imaginaire au travail
Ce cabaret qui égrène une trentaine de chansons et combine divers tons, univers et registres dénonce les aliénations du travail et l’ingratitude envers les ouvriers, piliers du monde industriel, célèbre la liberté quand elle est possible et… fait l’éloge de la paresse, entre poings levés et sourires aux lèvres. Ainsi l’adieu aux utopies égalitaires au moins n’empêche pas l’imaginaire humain de travailler en pleine capacité. La pièce enchaîne avec fluidité et aisance tous ces chants qui pour certains ont nourri notre imaginaire collectif, avec trois femmes pétillantes et gracieuses et deux hommes drolatiques. Mention spéciale à Isabelle Zanotti, qui coordonne la création musicale et les arrangements, et s’avère aussi interprète de talent. Les Canuts, La Biaiseuse, Le Poinçonneur des Lilas et autres morceaux sur des métiers d’autrefois côtoient des chants plus politiques (Lily de Pierre Perret) ou humoristiques (Travailler c’est trop dur de Zachary Richard). Ces comédiens, chanteurs et musiciens ne sont certes pas des travailleurs ordinaires, mais des « équipiers d’une aventure humaine », comme le signale un personnage. Des équipiers pas banals, visiblement heureux d’être sur scène… On ne peut s’empêcher de penser que cette compagnie dynamique qui fête aujourd’hui ses vingt-cinq ans met en œuvre une conception du travail qui constitue un “sublime“ écho au spectacle même : un alliage de liberté, de travail, d’inventivité, d’indépendance d’esprit et de bonne humeur, sans se prendre au sérieux. 
Agnès Santi


Ça travaille encore, mise en scène Jean-Luc Paliès, textes Louise Doutreligne, du 10 mars au 14 avril, du mercredi au samedi à 21h30, dimanche à 17h30 ; au Vingtième Théâtre, 7 rue des Platrières, 75020 Paris. Tél : 01 43 66 01 13. Durée : 1H45. A voir aussi Sublim’Intérim par la compagnie Influenscènes, du 15 au 25 avril du mercredi au samedi à 21h30, dimanche à 17h30.  

A propos de l'événement


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