Terre, un récit de Praline Gay-Para mis en scène par Guillaume Le Camus
Praline Gay-Para, seule en scène, utilise les [...]
Entre lecture et concert, l’acteur et metteur en scène Julien Defaye et le compositeur et musicien Nicolas Gautreau s’emparent du passionnant témoignage du dernier tueur de bison en Amérique, Frank Mayer. Délicate, ouverte, leur proposition laisse le spectateur se faire juge, ou non, d’un massacre sans précédent.
Lorsqu’il entre sur scène pour rejoindre Nicolas Gautreau qui s’y tient déjà avec son dobro (guitare à résonateur, ancêtre de la guitare électrique), Julien Defaye affiche l’air assuré, légèrement prédateur, de qui se lance dans une aventure pleine d’ennemis à abattre. Dès les premières phrases de Buffalo toutefois, aucune ambiguïté : le comédien et metteur en scène n’incarne pas le personnage principal du spectacle. Soit Frank Meyer, dont le livre Tueur de bisons, publié une première fois en 1958 – quatre ans après la mort de l’homme à l’âge de 104 ans, dans la ville de Fairplay dans le Colorado –, est la matière principale de Buffalo. Texte en mains, le comédien place en effet une certaine distance entre le présent du plateau, où seuls se dressent micros et pupitres, et le passé du récit qu’il se met bientôt à déployer comme on enfourche un cheval fou. Entre folk et country, en partie improvisée, la partition de Nicolas Gautreau est davantage que sa monture dans cette traversée auprès du dernier tueur de bisons d’Amérique. Elle est son compagnon de voyage, de carnage.
Il était une fois un massacre
Livrés de cette manière brute, loin de toute tentative de représentation, les mots de Frank Mayer heurtent et questionnent d’autant plus qu’aucune lecture ne nous en est imposée. Décrit avec force détail par l’auteur sous la forme d’un entretien, le massacre entre 1870 et 1880 des bisons américains peut bien sûr être vu comme un premier signe du capitalisme. Et Frank Mayer lui-même explique le rôle qu’a joué l’anéantissement du buffalo dans celui des Indiens. Mais en tant que petit rouage du système – place qui fait beaucoup à la force de son témoignage –, échouant à tirer de sa sale besogne la richesse qu’il en espère au départ, jamais l’homme n’exprime dans son texte le moindre remord. Julien Defaye et Nicolas Gautreau respectent ce point de vue, selon lequel « le Buffalo n’était pas vraiment adapté à la civilisation blanche en marche ». L’ajout en plein cœur de la pièce d’un poème indien toutefois, tiré d’un recueil établi par Jacques Roubaud et Florence Delay, bouscule de l’intérieur le texte, en pointe les violences, les horreurs. Entre envoûtement de la langue et de la musique et rejet des idées, Buffalo met le spectateur face à sa conscience, à sa responsabilité.
Anaïs Heluin
à 17h55. Tel : 04 90 03 01 90. https://artephile.com
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