La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Braise et cendres de Charlie Nelson par Jacques Nichet

Braise et cendres de Charlie Nelson par Jacques Nichet - Critique sortie Théâtre Paris _Le Lucernaire
© Vincent Lacotte

texte d’après Blaise Cendrars / mes Jacques Nichet

Publié le 24 janvier 2019 - N° 273

Charlie Nelson compose un Blaise Cendrars bouleversant et magistral dans la mise en scène poétique de Jacques Nichet.

Connaît-on si bien Blaise Cendrars ? De cet écrivain né en Suisse en 1887 sous le nom de Frédéric-Louis Sauser, on a surtout l’image d’un « romancier de l’aventure » depuis le succès de L’Or dans les années 1920. Cette étiquette a sans doute éclipsé celle du poète et de l’homme sensible, à l’imagination puissante et à l’écriture aussi sauvage qu’évocatrice. En lisant les deux tomes de ses Œuvres autobiographiques publiées dans la Pléiade en 2013 sous la direction de Claude Leroy, Jacques Nichet a « découvert un inconnu qu’[il] croyai[t] pourtant connaître ». Il a alors choisi les pages des récits qui l’avaient le plus touché pour en faire un seul en scène avec Charlie Nelson. Dans ce long monologue – passionnant d’un bout à l’autre et ponctué de poèmes –, il est beaucoup question de la mère, celle de Blaise Cendrars en premier lieu, à qui il doit d’avoir appris la lecture, celle des autres aussi, notamment de ces soldats blessés qui pendant la guerre de 14/18, criaient la nuit un « maman » de petit enfant – une scène bouleversante, comme celle de l’amputation de son bras droit. Il y est question de ses voyages aussi, notamment ceux accomplis durant sa jeunesse, à l’âge de 16 ans : la Russie puis New York. Il y est bien sûr question de l’écriture dont on comprend à quel point elle fut vitale. Et foisonnante, comme en témoignent les allusions à une malle en osier dans laquelle s’entassent des manuscrits en friche.

Une scénographie sobre et poétique

Jacques Nichet a bien compris qu’avec une puissance d’écriture telle, il fallait une scénographie sobre et poétique. Une toile peinte rouge sombre se déversant du fond de scène jusque sur le plateau fait office de décor, une chandelle et une chaise composent les accessoires. C’est suffisant pour amorcer – et amplifier – l’imagination du public. D’autant que les spectateurs ont devant eux un immense acteur : Charlie Nelson. Peu de comédiens pourraient incarner ainsi la figure de Blaise Cendrars. Charlie Nelson prête à son personnage son physique rugueux, son allure de colosse qui, malgré la gouaille et la truculence, laissent percer une infinie tendresse, une immense délicatesse. La quintessence de son art tout en finesse réside dans cette scène au restaurant : un face-à-face quasi muet avec « Pompon », une femme dévorée par le chagrin. Affleurent la fragilité et la force. La protection et l’impuissance car, affirme le poète en substance, les sentiments ne sont pas partageables et on est toujours seul. Un constat qu’infirme peut-être le théâtre, quand il est réussi. Ce qui est amplement le cas avec ce spectacle.

Isabelle Stibbe

A propos de l'événement

Braise et cendres de Charlie Nelson par Jacques Nichet
du mercredi 16 janvier 2019 au samedi 9 mars 2019
_Le Lucernaire
53 rue Notre-Dame des Champs, 75006 Paris

Du mardi au samedi à 19h. Tél. : 01 45 44 57 34. Durée : 1h10.

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