La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Blast

Blast - Critique sortie Théâtre
Légende photo : Comment le corps encaisse la peur et les traumatismes qui détruisent les vies

Publié le 10 novembre 2007

Comment les traumatismes de l’histoire, grande ou petite, s’impriment-ils au cœur de la mémoire et des corps ? Le Panta-théâtre livre une vision atomisée et fulgurante de quelques blessures du vingtième siècle.

« L’ébranlement du siècle à travers son propre corps. » L’effet Blast : le souffle de la violence du monde fait incursion sur la scène, se référant à une multitude d’événements historiques ou plus confidentiels. D’après une vingtaine de témoignages et interviews, trois personnages, deux hommes et une femme, donnent corps et voix aux traumatismes que l’histoire inflige, la grande ou la petite, la collective ou l’individuelle. Le Panta-théâtre de Véro Dahuron et Guy Delamotte associe le jeu des acteurs à la vidéo, mesurant au passage la prééminence obligée et entêtante de l’audiovisuel sur le livre dans notre confrontation aux événements et à l’information. D’emblée, trois dates affichent leur importance. Deux d’entre elles d’une énorme évidence : le 6 juin 1944, le 11 septembre 2001 – un souvenir intact pour chacun de nous -, et une troisième explicitée avec un humour corrosif. La fermeture de l’usine Moulinex, la guerre d’Algérie, la Chute du Mur, la mort de Salvador Allende, la guerre du Liban l’été 2006, « l’effondrement de papa » en même temps que celui des Tours… Autant de ruptures dans le cours d’une vie, autant de bombardements, de déflagrations, d’ondes de choc imprimant des cicatrices douloureuses. Comment transcrire sur la scène le ressenti des choses ? Comment aborder la difficile question de la restitution des souvenirs, de la mémoire, qui a tant besoin des mots pour se dire et peut facilement se réduire à quelques visions myopes. Parfois "les mots ont foutu le camp".

Des corps travestis, dénudés, déguisés
Reste un flou indicible, reste un bilan médical d’une implacable vérité. Restent aussi les corps malmenés, travestis, dénudés, déguisés, empruntant accessoires et vêtements dans un vestiaire anonyme, atemporel, comme pour mieux souligner qu’entre soi et les autres la différence est absolue, et aussi ridicule et ténue, pour souligner aussi la dimension aléatoire terrifiante qui préside à chaque destinée. Délibérément, le contexte historique est quasiment ignoré, ou effleuré par touches allusives, – le théâtre n’est certes pas un cours de géopolitique. Ici ce qui importe ce sont les effets, les blessures. La partition des acteurs, hâchée, répétitive, emmêlée, se dit par bribes déchirant le voile des non-dits. Sans jamais jouer sur les sentiments, sans s’appesantir sur quiconque au détriment d’un autre, les acteurs, David Jeanne-Comello, Véro Dahuron et Pierre Puy, parviennent à dire toute la douleur des vies abîmés, dans une parfaite complémentarité. Certains verront dans cette vision fragmentaire, atomisée, parfois teintée de douceur, la dommageable nécessité de rester à la surface des choses, d’autres au contraire apprécieront le télescopage fulgurant des expériences. Et vous, que faisiez-vous le 11 septembre 2001 à 15 heures ?…
Agnès Santi


Blast, conception et mise en scène Véro Dahuron, co-mise en scène Guy Delamotte, texte et dramaturgie Philippe Malone, du 17 octobre au 10 novembre à 20H30, relâche le dimanche, au Théâtre du Chaudron, 75012 Paris. Tél : 01 43 28 97 04.

A propos de l'événement


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