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Un spectacle qui mélange cantates de Bach et affaire du site porno « French Bukkake ». Avec Chiens, Lorraine de Sagazan poursuit son exploration de la machine judiciaire en éclairant la brutalité de l’industrie pornographique, et souligne l’ancrage culturel des violences sexuelles.
Quelle est l’affaire dite du « French Bukkake » qui est au centre du spectacle ?
Lorraine de Sagazan : Le « French Bukkake » c’était le nom d’une plateforme de porno amateur dirigée par Pascal OP, qui est mis en cause par une soixantaine de jeunes filles qui ont porté plainte pour viols, mais pas seulement. Le procès est toujours en cours. Et pour le construire, j’ai notamment travaillé avec des avocats et des plaignantes.
Voulez-vous faire à cette occasion le procès du porno ?
LDS. : Il existe un porno éthique, minoritaire malheureusement. Mais l’autre, majoritaire, participe pour moi de la culture du viol avec une caméra qui autorise tout, comme si, par sa simple présence, les actes devenaient fictionnels. Parfois, dans les vidéos de la plateforme, des femmes se retrouvaient seules face à une dizaine d’hommes, cagoulés de surcroît. Ce sont des scènes d’une extrême violence. Il y a dans cette sexualité un désir de l’anéantissement du corps de la femme qu’on peut déjà déceler historiquement à travers les représentations de femme à moitié morte, comme dans les contes type Blanche-Neige, ou dans l’histoire de Gisèle Pelicot. Mais aussi à travers l’histoire religieuse des martyres, comme Sainte Lucie ou Sainte Agathe, ou encore dans les images de dissection de femmes, souvent vierges, dans les livres médicaux. Je cherche à faire émerger que ces vidéos s’inscrivent dans un long héritage de scènes semblables.
Ce spectacle s’inscrit donc dans un travail autour de la justice…
LDS. : Absolument, dans la lignée de Leviathan. La notion de non-lieu, par exemple, dont le simple nom laisse penser que la justice établit que les choses n’ont pas eu lieu, doit être remise en cause. Je pense que la loi autorise le viol aujourd’hui et il faut que s’opère une véritable rupture.
Quelle forme prendra ce spectacle ?
LDS. : Le spectacle entrelace parties textuelles et musicales. Mais au fur et à mesure des répétitions je souhaite que la place de la musique devienne de plus en plus importante. Elle permet de ne pas situer cette affaire dans le temps, de traverser les époques. Mais également de faire cohabiter deux matériaux antagonistes, un texte – je travaille à partir de ce qui se dit dans les vidéos – avec sa crudité et sa violence, et une musique sacrée qui permet de l’entendre différemment. Par ailleurs, nous avons créé un charnier de plusieurs tonnes de vêtements pris dans du silicone, une installation monumentale qui recouvrira le plateau des Bouffes du Nord. Selon les éclairages, elle laisse apparaître un sol normal, figure un charnier de corps, de muqueuses, ou de vêtements abandonnés. On pourrait simplement chanter une cantate dans ce décor, ça convergerait déjà vers que qu’on cherche comme expérience : nous voulons donner à entendre les images qu’on ne sait pas voir.
Propos recueillis par Eric Demey
du mardi au samedi à 20h, dimanche à 16h. Tel : 01 46 07 34 50.
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